Roukiata Ouédraogo : actrice sinon rien

Ancienne mannequin, cette Burkinabè a trouvé son équilibre sur les planches.

L’humoriste, comédienne et ancienne mannequin burkinabè Roukiata Ouedraogo. © Véronique Besnard/J.A.

L’humoriste, comédienne et ancienne mannequin burkinabè Roukiata Ouedraogo. © Véronique Besnard/J.A.

Publié le 16 août 2013 Lecture : 4 minutes.

Des coiffeuses du quartier de Strasbourg-Saint-Denis et leurs rabatteurs, un petit frère espiègle et maître chanteur, un trio de demoiselles prêtes à tout pour devenir les reines du bal des bacheliers, une commère, mais surtout une émigrée en partance pour le pays natal égrenant avec humour des souvenirs qui sont autant d’histoires… Roukiata Ouédraogo est tout cela à la fois dans Ouagadougou pressé, son « one woman show », joué sans discontinuer à Paris et un peu partout en France depuis sa première, en octobre 2012.

Dans le décor dépouillé du Lavoir moderne parisien (18e arrondissement de Paris), la comédienne burkinabè occupe l’espace avec une gestuelle maîtrisée et des expressions appuyées qui lui permettent de donner vie à ses mille et un personnages. Tous racontent une jeunesse passée au pays et une existence poursuivie en France, en rupture avec ceux qui sont restés. C’est notamment le cas du personnage central, Petit Modèle, une fille menue qui, sans correspondre aux canons africains de la beauté, n’en demeure pas moins jolie. Et dont le parcours ressemble, bien entendu, à celui de son interprète.

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Née en 1979 d’un père fonctionnaire et d’une mère au foyer investie dans le monde associatif, Roukiata Ouédraogo grandit d’abord à Fada N’Gourma, ville de l’est du Burkina. À partir de la quatrième, elle s’installe à Ouagadougou pour y poursuivre sa scolarité. Elle gagne déjà un peu d’argent en ouvrant un salon de coiffure dans un local qu’elle loue près de son domicile et expérimente la création textile en dessinant des vêtements. L’apprentie styliste en tirera, bien plus tard, une brève collection de maillots de bain en tissus africains.

« Ce qui la caractérise, c’est ce besoin de créer, de fabriquer elle-même son destin, estime Stéphane Eliard, son metteur en scène et époux. Elle préfère la mise en danger, le terrain de la création au risque de l’échec. »

Une fois le baccalauréat obtenu, elle s’installe en France, en 2000, chez son grand frère, qui l’y a précédée. Rouki, comme on la surnomme, n’a pas pour projet d’embrasser le métier de comédienne, mais elle porte en elle cette « fibre artistique ». Maquilleuse professionnelle pour des enseignes telles que Black Up ou Make-up Art Cosmetics (MAC), modèle chez Nivea Beauté, elle change de voie quand l’opportunité de s’essayer au théâtre survient, en 2007, au Cours Florent. Admise à l’issue d’une audition, la future actrice financera ses deux ans de formation en exerçant son métier durant les week-ends. « C’est à ce moment que je me suis mise à écrire et à mettre en scène ma première pièce, Yennenga, l’épopée des Mossé, que j’ai présentée en fin d’année », raconte-t-elle avec fierté. Les félicitations des professeurs l’encouragent à donner une première représentation en 2008, au théâtre parisien de la Comédie de la Passerelle. Les propositions commencent alors à affluer : en province, en Italie, et enfin au Burkina.

Retravaillée et enrichie, la légende de la princesse amazone qui donna naissance au peuple mossi triomphe à Ouagadougou à l’espace culturel Gambidi, en septembre 2010. La télévision nationale couvre l’événement, le ministre de la Culture se déplace. Son oncle, le naaba (chef mossi) de Soumiaga, village d’où la famille de l’actrice est originaire, vient assister à la représentation, un signe d’approbation à l’égard d’une carrière qui peut être mal perçue lorsque l’on est, comme Roukiata, d’ascendance royale.

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Mais après tout, le choix du métier d’acteur ne serait-il pas, pour elle, le fruit d’une hérédité ignorée ? Tardivement, en effet, elle découvre qu’au début de sa carrière son père, aujourd’hui décédé, avait créé une troupe de théâtre. L’un de ses meilleurs amis et coéquipiers dans ses parties de football n’était autre que Sotigui Kouyaté, monument du théâtre africain. C’est d’ailleurs ce dernier qui mena la délégation lorsque Ouédraogo père demanda la main de sa femme. Et comme si la chaîne de l’amitié ne devait pas se rompre, de génération en génération, Roukiata Ouédraogo a été approchée par Dani Kouyaté, le fils de l’acteur, pour tenir le premier rôle dans L’Amour en cage, docufiction sur l’excision coréalisé avec le journaliste engagé Philippe Baqué.

En attendant, cette perfectionniste travaille à améliorer Ouagadougou pressé, son second show, écrit pour conter l’immigration sur le ton de la drôlerie. Le voyage retour, qui y est évoqué, n’est pas qu’une fiction, puisque Roukiata envisage de rentrer définitivement au pays. « À long terme, mon rêve serait d’y ouvrir un théâtre et d’y former des gens. Je voudrais leur apporter mon savoir-faire et leur offrir un lieu de résidence où ils pourraient présenter leurs spectacles », confie-t-elle. Elle possède déjà le terrain où se bâtira un jour ce centre d’art dramatique. Les moyens ne sont pas encore là, mais Rouki sait qu’elle y parviendra. Ce n’est qu’une question de volonté.

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