Tunisie : victoire en trompe-l’œil pour le projet constitutionnel de Kaïs Saïed
Le projet de nouvelle Constitution a recueilli 92 % d’adhésion. Un succès sur le papier, à mettre en regard avec un taux d’abstention de quasiment 75 %.
Dès la fermeture des bureaux de vote en Tunisie, aux alentours de 22 heures ce 25 juillet, l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) annonce les résultats préliminaires du référendum qui seront confirmés ou ajustés en fin de journée le 26 juillet.
À la question portant sur l’adoption, ou non de la Constitution élaborée par le président Kaïs Saïed, sur un corps électoral de 9 millions de votants, seuls 30,5 % se sont présentés aux urnes. 94,6 % des électeurs se sont prononcés pour le projet et 5,4 % contre (soit 2 607 484 en faveur du « oui » et 148 723 en faveur du « non »).
Le « oui » l’emporte faute de seuil de participation imposé par la loi électorale. Une victoire en trompe-l’œil pour les soutiens du président qui estiment que le résultat est un succès indéniable.
Absence d’adhésion
Pourtant près de 7 millions de votants ont boycotté les urnes. Une abstention qui exprime l’absence d’adhésion de la majorité des Tunisiens à un projet constitutionnel controversé, notamment en l’absence de garanties sur le maintien du caractère civil de l’État.
Parmi les 18-25 ans, l’abstention a atteint près de 60 %. « S’ils avaient simplement voté “non”, ils n’auraient pas eu d’impact », estime un membre de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide) qui a relevé divers dépassements lors du scrutin, dont le non-respect du silence électoral et des cas d’influence des électeurs.
Différentes interprétations
Les résultats ont fait l’objet d’interprétations divergentes. Hassen Zargouni, patron du bureau de sondage et médiamétrie Sigma Conseil, a ainsi relativisé l’échec de Kaïs Saïed en expliquant l’abstention par le boycott mais aussi par des raisons conjoncturelles comme la chaleur ou l’empêchement de certains électeurs.
Dans les faits, tout indique que la présidence ne fera pas grand cas de l’abstention et qu’elle se prévaudra d’un succès massif. Kaïs Saïed pourra ainsi mettre en application son projet dès la publication des résultats définitifs le 28 août 2022.
Malgré le triomphalisme de ses supporters et le petit bain de foule à minuit sur l’avenue Bourguiba, le président, le visage marqué par la tension de la journée, ne peut ignorer qu’il n’a pas remporté la manche. Il n’a pas fait mieux que les 2,7 millions de voix qui lui ont permis d’accéder à la présidence en 2019, alors qu’il souhaitait obtenir un plébiscite populaire indéniable à même de lui offrir la marge de manœuvre nécessaire pour gouverner comme il l’entend.
Appel à l’unité
Les soutiens de Kaïs Saïed appellent désormais à l’unité des Tunisiens. Ridha Mekki, dit Ridha Lénine, assure ainsi que « la politique ne se pratique pas au niveau des ambassades. La politique se pratique parmi les gens. Vous avez encore une grande opportunité, écoutez votre peuple… Fédérez les gens. Nous ne voulons pas de division, nous aspirons à la cohésion. » Une unité conditionnée par l’adhésion au projet de Kaïs Saied, qui souhaite désormais réformer le code électoral.
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