Ouganda : vers une succession dynastique ?

Autrefois proche de Museveni, un général réfugié à Londres accuse le chef de l’État de préparer son aîné à lui succéder. Et espère sans doute au passage y gagner ses galons d’opposant.

Au centre, Muhoozi Kainerugaba, à la tête des Forces spéciales (ici en mai 2012). © AP/Sipa

Au centre, Muhoozi Kainerugaba, à la tête des Forces spéciales (ici en mai 2012). © AP/Sipa

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 26 août 2013 Lecture : 3 minutes.

À quoi pensait David Tinyefuza lorsqu’il a décidé de changer de nom, en février 2012 ? "Sejusa", comme il se fait appeler depuis ("je ne regrette rien", en luganda), prévoyait-il déjà de prendre des décisions lourdes de conséquences ? En tout cas, ce général de 58 ans, membre du haut commandement de l’armée ougandaise et autrefois très proche de Yoweri Museveni (ils se sont côtoyés dans le maquis au début des années 1980), n’y est pas allé par quatre chemins en dénonçant en mai dans un courrier interne une conspiration visant à installer le fils du président, Muhoozi Kainerugaba, au pouvoir. Missive dont le contenu a été révélé par la presse et qui l’a propulsé au rang d’ennemi public numéro un.

Une théorie farfelue, jugée crédible

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Au moment de son coup d’éclat, David Sejusa se trouvait opportunément au Royaume-Uni, pays qu’il n’a pas quitté depuis. Installé à Londres, il accuse Museveni de vouloir instituer une "monarchie" et appelle à le démettre "par tous les moyens". Il se dit "traqué" et la police britannique a ouvert une enquête pour menaces de mort, selon le quotidien britannique The Times.

Certains détails du complot décrit par Sejusa paraissent un tantinet farfelus (il s’agissait notamment d’assassiner tous les responsables, civils ou militaires, qui se seraient opposés à la succession dynastique). Mais cela n’a pas empêché sa théorie d’être jugée crédible. Du fait de l’identité de l’auteur, tout d’abord – il était alors coordonnateur des services secrets ougandais. Mais surtout parce que, malgré les démentis répétés de Kampala, ces révélations ne font que confirmer les soupçons qui pèsent sur Muhoozi Kainerugaba depuis le début de sa spectaculaire ascension au sein de l’armée. En effet, il avait à peine 35 ans lorsqu’il a été nommé en 2008 à la tête des Forces spéciales, la garde prétorienne du régime, et dès 2009, selon deux câbles révélés par WikiLeaks, des diplomates américains avaient évoqué la possibilité qu’il tente de succéder à son père.

Kampala accuse Sejusa d’avoir fui après la découverte de ses propres projets d’accession au pouvoir. Quatre de ses proches restés dans la capitale ougandaise ont été arrêtés et inculpés pour "conspiration pour renverser le gouvernement". Interrogé par la BBC à Londres, l’intéressé n’a d’ailleurs pas caché ses ambitions : "Honnêtement, un général quatre étoiles qui n’en a pas ne serait pas à sa place."

Mais cet homme qui s’érige aujourd’hui en chevalier blanc de la politique ougandaise n’a pas une réputation sans tache. En 2005, il était l’un des principaux ordonnateurs de la très controversée opération Black Mamba (des militaires avaient pris d’assaut la Haute Cour de Kampala pour mettre la main sur 14 rebelles présumés qui venaient d’être libérés sous caution). Il aura fort à faire pour apparaître comme un opposant crédible, surtout s’il compte se présenter à la présidentielle de 2016. Kizza Besigye, un autre ancien guérilléro qui a quitté l’armée en 2001, a pris beaucoup d’avance : il a déjà brigué trois fois la magistrature suprême, et le fait qu’il ait été arrêté à de nombreuses reprises a contribué à donner de lui une image de résistant intransigeant. Mais au moins Sejusa aura-t-il réussi à faire en sorte que les moindres faits et gestes de Muhoozi Kainerugaba soient désormais étudiés avec une attention redoublée.

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