Qui a peur d’Agathon Rwasa au Burundi ?
Après trois années d’absence, le leader historique de l’ancienne rébellion des FNL, Agathon Rwasa, a fait son grand retour à Bujumbura, le 6 août. Un come-back qui n’a pas été du goût des autorités ni de ses anciens alliés.
Le retour d’Agathon Rwasa était annoncé depuis un mois. Le jour – le 6 août – était connu, tout comme l’heure et le lieu du rendez-vous, à Bujumbura, où l’ancien chef des Forces nationales de libération (FNL) avait convié des diplomates et des journalistes à une conférence de presse. "Il était serein et en pleine forme. Il a même pris quelques kilos et semblait revenir de vacances", affirme un témoin. Mais la rencontre prévue n’a pas eu lieu, la police ayant interdit l’accès à la salle. Agathon Rwasa, 49 ans, s’était volatilisé en 2010 en plein processus électoral (un processus contesté) alors qu’il briguait la présidence. Il était soupçonné de fomenter une nouvelle rébellion, et autorités et observateurs redoutaient qu’il ne mette le Burundi à feu et à sang. Trois années durant, Bujumbura l’a d’ailleurs souvent qualifié de "terroriste".
Sa réapparition s’inscrit dans le cadre du processus engagé depuis mars par le Bureau des Nations unies au Burundi (Bnub) et la classe politique burundaise afin que les élections générales de 2015 se déroulent dans un climat apaisé. L’une des conditions était le retour de tous les chefs de parti en exil. Ils sont rentrés en mars. Seuls Rwasa et Léonard Nyangoma, fondateur des Forces de défense de la démocratie (FDD), manquaient à l’appel.
Comment expliquer alors l’impressionnant dispositif policier mis en place le 6 août ? Édouard Nduwimana, le ministre burundais de l’Intérieur, affirme qu’il "s’agissait simplement de faire respecter la loi et l’ordre public" : "Il fallait empêcher Agathon Rwasa de tenir un meeting sans autorisation, et ce sont les dirigeants de son ancien parti qui nous l’avaient demandé."
Entre 2010 et 2013, beaucoup de choses ont changé au sein des FNL : une aile dissidente, soutenue par le gouvernement, selon certains analystes, a évincé Rwasa. Depuis, c’est Emmanuel Miburo qui tient les rênes du parti. Mais l’ancien chef reste encore populaire – en témoigne le nombre de ses partisans qui s’étaient mobilisés pour l’accueillir. Il s’est même déclaré prêt pour 2015 et a dit renoncer à conquérir le pouvoir par la violence. Pourtant, le chemin qu’il lui reste à parcourir est parsemé d’embûches. "Tout est à refaire, soupire Aimé Magera, son porte-parole, mais nous n’allons pas quitter la scène politique. Nous savons que le gouvernement a peur de perdre les prochaines élections et qu’il ne nous fera pas de cadeau. L’objectif numéro un est la reprise du parti. Ensuite, nous souhaitons avoir un tête-à-tête avec les autorités."
Le gouvernement ne va pas lui faciliter la vie
Rien ne sera facile pour Rwasa, que le gouvernement considère désormais comme "un simple citoyen, un acteur politique comme les autres". Édouard Nduwimana est clair : "S’il espère encore jouer un rôle dans ce pays, il doit aller voir les actuels dirigeants de son ancien parti. Il peut aussi, s’il le veut, créer un autre parti. Ce n’est pas interdit." Pour récupérer les FNL, il lui faudrait organiser un congrès, conformément à la loi. Un fonctionnaire international imagine la suite : "Ils ne vont pas lui rendre la vie facile. Malgré les intimidations, il a une grande audience populaire. C’est un concurrent de taille pour 2015." Une question cependant : où était Agathon Rwasa depuis 2010 ? Réponse de l’intéressé : "Je n’ai jamais quitté le Burundi !" Au temps pour ceux qui, ces trois dernières années, l’avaient tour à tour signalé dans l’est de la RD Congo et en Tanzanie.
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