Enquête : quels sont les lieux de prédilection des riches ?
En ville ou à la campagne, qu’ils se détendent ou qu’ils travaillent, les plus aisés restent entre eux. Mais leurs goûts changent. Enquête sur les nouveaux lieux de prédilection des riches.
Publié le 29 août 2013 Lecture : 8 minutes.
Opulence et démesure, voyage au coeur de la planète fric
Maroc Casa côté luxe
À Casablanca, celle-qui-ne-finit-pas-de-s’étendre, les quartiers chics s’étirent le long de la mer. Anfa et ses extensions, Val-d’Anfa et Anfa-Supérieur, forment un petit village à l’ombre des palmiers et des hauts murs d’enceinte. Ici se concentrent les plus belles maisons de maître appartenant à des familles huppées de la ville, construites sur une petite colline qui dégringole vers la corniche d’Aïn Diab. Le must : la villa individuelle avec jardins, piscine, voitures… et chauffeurs, à proximité du Royal Golf. C’est ici qu’Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et magnat de la distribution, a accueilli le couple royal pour un ftour (repas), il y a quelques semaines. Ces propriétés sont extrêmement rares et, de ce fait, chères. Très appréciées aussi pour leur calme et leur sécurité, quelques résidences gardées se sont construites sur le modèle sud-africain dans le voisinage d’Anfa. Elles proposent même des aires de jeux pour les enfants.
Le style de vie d’Anfa s’étend aux quartiers de Longchamp, CIL et, surtout – plus au sud -, à ceux de Californie et Bouskoura. D’urbanisation plus récente, ils recèlent des réserves de foncier que les grands groupes immobiliers s’empressent d’exploiter. De leur côté, les jeunes actifs, les célibataires et les budgets – un peu – plus modestes préfèrent les secteurs plus centraux et animés de Racine et Gauthier, qui proposent des appartements de grand standing. Les villas y ont quasiment toutes disparu, sous la pression des promoteurs. Il faut compter de 8 000 à 10 000 dirhams (de 700 à 890 euros) pour louer un quatre-pièces. Avec l’arrivée du tramway, le dernier lieu tendance où résider pour les bobos (bourgeois bohèmes) est le quartier Hassan-II, où quelques immeubles Art déco, qui sont la propriété de compagnies d’assurances, atteignent des loyers à cinq chiffres.
Youssef Aït Akdim
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Tunisie Quelle révolution ?
Certes, les pillages lors de la révolution – uniquement dans les demeures de proches de Ben Ali – ont poussé bon nombre de propriétaires à sécuriser leur patrimoine. Mais dans le triangle doré, entre Sidi Bou Saïd, Carthage et La Marsa, les événements n’ont pas changé grand-chose au quotidien des riches. Derrière les hauts murs qui cachent les jardins des villas, la discrétion est une tradition. Un "retrait" qui a un prix : 1 600 dinars le mètre carré (727 euros) de terrain avec vue sur la mer, soit trois fois la moyenne nationale. Les acquéreurs ont de fait un pouvoir d’achat conséquent qui fait le bonheur des commerçants. Grandes enseignes, marques de luxe et entreprises de services se sont d’ailleurs installées à portée de ces bourses bien garnies. Et pour les nantis qui cherchent encore plus de sécurité, il y a la campagne – devenue, dit-on, la dernière tendance…
Frida Dahmani, à Tunis
Afrique du Sud Golf, piscines et barbelés
En Afrique du Sud, où la sécurité est une préoccupation majeure, il est inconcevable de ne pas vivre dans une résidence ultrasécurisée – à condition d’en avoir les moyens. Problème : les hauts murs surmontés de fils barbelés électrifiés ne constituent pas une vue rêvée pour qui se délasse dans son jardin. Le luxe ultime est donc de posséder une résidence dans une gated community (lotissement sécurisé fermé) suffisamment spacieuse et arborée pour donner à ses habitants l’impression de vivre en pleine nature. Et c’est le complexe de Blair Atholl, situé entre Johannesburg et Pretoria, qui s’est montré le plus doué à ce jeu. Un logement dans le domaine de 600 ha, construit autour du parcours de golf le plus long du pays, se paie au prix fort. Les parcelles à bâtir, d’une surface de 3 700 m2 en moyenne, ne s’échangent pas à moins de 2,8 millions de rands (211 850 euros), et les résidences déjà construites peuvent atteindre dix fois ce montant. Pour leur part, les locataires doivent débourser quelque 45 000 rands par mois – hors charges – pour une maison de 680 m2. Mais pour une telle somme, ils bénéficient de services exclusifs : étable pour les chevaux, piscines, courts de tennis, salle de sport ou encore accès à l’aéroport de Lanseria tout proche, où ils peuvent facilement louer un jet privé. Pierre Boisselet
Le complexe Blair Atholl, en Afrique du Sud. © DR
Côte d’Ivoire Beverly Hills ou presque…
Situé à l’une des extrémités de la commune de Cocody, Riviera 4 Beverly Hills, baptisé ainsi par Théodore Mel Eg, l’ancien maire, est posé sur les bords de la lagune Ébrié. Dans ce triangle d’argent, le mètre carré s’élève à 300 000 F CFA environ (460 euros). Les immenses demeures de style victorien rappellent les cités bourgeoises d’Europe. L’artère principale est large comme un boulevard. Il ne manque plus que les hôtels chics, les restaurants, les bars et les magasins de luxe pour que le quartier soit digne de porter le nom de son célèbre modèle américain. Parmi les heureux propriétaires figurent notamment Kipré Digbeu, président du groupe d’assurances Serenity SA, les anciens Premiers ministres Charles Konan Banny, Jeannot Ahoussou Kouadio, Pascal Affi Nguessan, les ministres Patrick Achi (Infrastructures), Hamed Bakayoko (Sécurité et Intérieur), la star du football Didier Drogba ou encore Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale. Un voisinage de choix. Baudelaire Mieu, à Abidjan
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Gabon Le vrai privilège, c’est l’espace
À Libreville, même pour les plus nantis, se loger relève parfois du casse-tête. Ce n’est évidemment pas un problème de prix, mais d’espace. Le quartier de la Sablière, où nababs gabonais et expatriés aisés vivent à l’abri des regards dans leurs luxueuses villas du bord de mer, est saturé. De nouveaux lotissements, apparus à quelques pas de là, dans le nord de la ville, aiguisent donc les appétits immobiliers. Le secteur d’Angondjé, qui abrite l’immense stade de foot de l’Amitié-Sino-Gabonaise depuis la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012, est ainsi très prisé. La brousse et les habitats en tôle ont laissé place, depuis une dizaine d’années, à une zone résidentielle paisible aux logements flambant neufs. Commerces de proximité, écoles maternelles et hôtels ont ainsi essaimé. "Tout le monde cherche à s’installer ici, il y a toutes les infrastructures nécessaires et, surtout, les routes sont goudronnées", souligne Romain, jeune cadre de 33 ans, locataire à Angondjé. Même le footballeur Daniel Cousin, le capitaine des Panthères du Gabon, y a élu domicile. Conséquence, les tarifs ont vite grimpé. "Certains notables ont accaparé beaucoup de terrains pour construire des maisons et les louer. Si l’on n’a pas 500 000 F CFA [763 euros] à dépenser dans un loyer, il est difficile de trouver quelque chose", assure un expert en urbanisme. Élise Esteban, à Libreville
Rwanda Gisenyi, la petite Genève
Sur les bords du lac Kivu, la ville de Rubavu – connue sous le nom de Gisenyi, son ancienne appellation – a des airs de petite Genève, avec sa vue sur les flots calmes et ses hôtels de luxe surplombés par les montagnes. Autre point commun avec la cité suisse : un secteur bancaire très dynamique – pour quelque 55 000 habitants. C’est que de l’autre côté de la frontière toute proche se trouve Goma (près de 1 million d’âmes), capitale de la province congolaise du Nord-Kivu, qui regorge de ressources minières. Or ses riches habitants sont confrontés à un casse-tête : mettre leur bas de laine en sécurité. Dans cette région en guerre depuis près de vingt ans, on n’est jamais à l’abri de combats en pleine ville, comme ce fut le cas lors de l’invasion du Mouvement du 23-Mars (M23), en novembre 2012. "Je réside à Goma en permanence, raconte Victor Ngezayo, homme d’affaires prospère propriétaire d’un petit empire hôtelier en RD Congo. Mais quand ça chauffe, je me réfugie dans la maison de famille à Gisenyi." Pierre Boisselet
Sénégal À vendre
Les townhouses (complexes résidentiels) pourraient préfigurer une nouvelle tendance de l’habitat haut de gamme en Afrique. C’est en tout cas le défi que s’est lancé l’homme d’affaires et millionnaire Yérim Sow, à l’origine de la construction à Dakar, sur les flancs de la corniche ouest, du complexe immobilier Waterfront. Sur 31 000 m2, "avec pour seul vis-à-vis la splendeur de l’océan", ce quartier devrait proposer des logements de grand standing équipés chacun d’un jacuzzi, d’un accès haut débit à internet et de terrasses donnant sur l’Atlantique. Des atouts auxquels s’ajoutent divers équipements tels qu’un club-house (bar), une piscine, une salle de fitness, une plage privative et même une crèche. Destiné à une clientèle sénégalaise et internationale sélecte, l’imposant projet est censé offrir un accès rapide à l’aéroport comme au centre-ville. Une sorte de village pour riches coupé du monde, soumis à une surveillance rigoureuse, où tout n’est que luxe, calme et volupté. Seul hic : au siège dakarois de Teylium Properties, impossible d’obtenir la moindre information sur l’état d’avancement du projet, qui devait initialement être livré en 2009. Qu’il s’agisse de la date d’achèvement, du nombre de logements déjà vendus ou des prix, le net embarras exprimé par nos interlocuteurs laisse craindre que ce concept inédit ne cherche encore ses adeptes.
Mehdi Ba
À Dakar, le Waterfront, projet du millionnaire Yérim Sow, cherche encore preneur… © DR
Vacances Viva España !
Mais où les riches algériens passent-ils donc leurs vacances ? Quand ils ne bronzent pas sur les plages de Moretti ou du Club des pins, stations balnéaires sécurisées réservées à la nomenklatura, ils se prélassent au bord des piscines des hôtels haut de gamme d’Alger ou d’Oran (El-Aurassi, Le Méridien, Le Royal Sekhri), où la chambre simple coûte 23 000 dinars (215 euros), soit une fois et demie le salaire minimum. Le sud de l’Espagne constitue également une destination prisée par les plus aisés, voire les classes moyennes. "Il suffit d’aller à Palma Nova en fin de journée pour voir tout le gratin algérien à la terrasse des cafés. Beaucoup d’affaires importantes y sont traitées", confie un industriel. Farid Alilat
Transports Ou comment bien s’envoyer en l’air
La première classe d’Air France (photo à gauche) se mérite. Pour un aller-retour Dakar-Paris, il faut compter environ 8 000 euros. Voyager dans cette bulle de luxe prisée des hommes d’affaires revient à loger dans un palace. Cette clientèle privilégiée est traitée avec tous les égards. À l’aéroport, un portier accueille le voyageur, ses bagages sont pris en charge, un salon d’enregistrement facilite les démarches… Tout est mis en oeuvre pour simplifier au maximum départs et arrivées. En cabine, chaque siège bénéficie d’un accès direct à l’allée et est équipé des dernières technologies (massage, vidéo, etc.). Le menu et la carte des vins sont dignes d’un restaurant étoilé : les plats proposés ont été conçus par le grand chef Joël Robuchon ; Olivier Poussier, l’un des meilleurs sommeliers du monde, a sélectionné les grands crus… Un paradis gastronomique à plus de 10 000 mètres d’altitude. Michael Pauron (Photo © Baptise Fenouil/Rea)
Affaires L’Asie a la cote
Alors que la Suisse semble réformer, dans la douleur, son système fiscal sous la pression des États-Unis et de l’Europe, de nouveaux lieux de business sont apparus. Pour faire des affaires et placer leur argent, "les riches Africains se voient désormais proposer par leurs banquiers Dubaï [photo], Singapour ou Hong Kong, surtout s’ils traitent avec l’Asie", explique un familier du milieu. Et celle-ci, justement, est devenue le grand allié du continent. "Si les fortunes familiales ont tendance à demeurer à Genève, l’instabilité fiscale helvète n’incite pas à venir s’y installer", poursuit le même businessman. Michael Pauron( Photo : © Martin Sasse/Laif-Rea)
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