OMC : commerce et aide, les deux piliers d’une sortie de crise

Poursuite à Genève, jusqu’au 29 juillet, de l’Examen Global 2022 de l’aide pour le commerce. Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’OMC, Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Cnuced et Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du commerce international, invitent les dirigeants du monde à agir de manière coordonnée face aux pressions inflationnistes que subissent leurs économies.

Entrepôt de la plateforme de e-commerce Kilimall, à Nairobi, en novembre 2019. © Yang Zhen/XINHUA-REA

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© Damien Grenon pour JA JAD20220728-Tribune-OMC-Commerce-RebecaGrynspan Rebeca Grynspan
© CNUCED JAD20220728-Tribune-OMC-Commerce-PamelaCokeHamilton Pamela Coke-Hamilton
© OMC

Publié le 28 juillet 2022 Lecture : 4 minutes.

La période que nous vivons est la pire que l’économie mondiale ait connue depuis la création du système commercial multilatéral, il y a plus de soixante-quinze ans. Un quadruple choc, celui du Covid-19, du changement climatique, des conflits armés et du coût de la vie, a réduit à néant des années d’avancées durement acquises en matière de développement.

Une action multilatérale coordonnée est nécessaire pour faire face aux crises auxquelles nous sommes confrontés. L’aide et le commerce ont tous deux un rôle clé à jouer pour inverser les effets de ce quadruple choc et remettre le monde sur la voie de la réalisation des Objectifs de développement durable.

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Dirigeantes des trois agences internationales qui constituent la plateforme commerciale de Genève, nous œuvrons ensemble, avec détermination, pour que le commerce contribue au développement et à la prospérité, et que celle-ci profite réellement aux populations. Dans un monde en crise, nous ne pouvons plus nous permettre de faire comme si de rien n’était. Les responsables politiques doivent agir en tenant compte de trois aspects fondamentaux.

Moins de carbone, plus de TPE et de e-commerce

Premièrement, le commerce mondial doit devenir plus « écologique ». Il peut en effet jouer un rôle important dans la transition qui nous mène vers une économie peu gourmande en carbone. Dans le cadre d’études préliminaires, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a montré que la suppression des droits de douane et autres obstacles réglementaires s’appliquant à un ensemble de biens environnementaux liés à l’énergie (éoliennes, panneaux solaires, etc.) permettrait de réduire les émissions mondiales de CO2 de 0,6% en 2030, et ce uniquement grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Les retombées sur l’innovation et les prix (qui baisseraient) pourraient également être positives, en accélérant la transition vers des produits qui utilisent des énergies renouvelables à moindre intensité de carbone.

Deuxièmement, le commerce doit devenir plus inclusif. Favoriser le développement des activités commerciales des petites entreprises et une plus grande participation des femmes et des jeunes rend les entreprises et les pays plus compétitifs, stimule la transformation économique et réduit la pauvreté. Pourtant, des enquêtes menées par le Centre de commerce international (ITC) auprès des entreprises ont révélé que seule une entreprise exportatrice sur cinq était dirigée par une femme. Selon l’OMC, les micro, petites et moyennes entreprises, qui constituent environ 95% des entreprises mondiales, ne représentent qu’un tiers des exportations totales.

Troisièmement, le commerce doit être plus « connecté ». Dans un monde qui fonctionne en réseau, l’avenir des échanges passe en effet par les canaux et les plateformes numériques, en particulier pour les petites entreprises. Pendant la pandémie de Covid-19, on a vu comment le commerce en ligne, jusque-là utile, était devenu essentiel à la survie. Selon la CNUCED, les services fournis par voie numérique représentent aujourd’hui près des deux tiers des exportations mondiales de services.

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L’Examen global de l’Aide au commerce, qui se tient du 27 au 29 juillet à Genève, aborde justement ces thèmes. Cet événement intervient un mois après le succès de la douzième Conférence ministérielle de l’OMC, qui a remis le multilatéralisme commercial sur la bonne voie et a débouché sur un accord historique portant sur les subventions à la pêche. Il intervient aussi deux mois avant la COP27, qui sera organisée en Égypte et qui pourrait déterminer quelles sont les chances de la planète de parvenir à limiter le réchauffement climatique à 1,5° C, conformément à son objectif.

Signes prometteurs

Plusieurs signes prometteurs donnent à penser que l’Aide pour le commerce s’oriente vers davantage de durabilité, d’inclusivité et de connectivité. Selon l’OCDE et l’OMC, un montant record de près de 50 milliards de dollars a été versé au titre de l’Aide pour le commerce en 2020. La moitié était liée au climat ou à l’égalité des genres, et un tiers était dévolu à l’économie numérique. Malgré des pressions croissantes qui pèsent sur les budgets nationaux, il est essentiel de maintenir et d’accroître ces flux d’aide.

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Pour que l’Aide pour le commerce consacrée à la réalisation des Objectifs de développement durable soit optimale, il convient de porter une attention soutenue à la manière dont des résultats peuvent être obtenus en matière de développement, et quels États cibler.

Concentrons-nous sur les pays dont les besoins en matière de commerce et de développement sont les plus importants – en particulier les pays les moins avancés et les pays fragiles/touchés par des conflits – et sur les initiatives régionales telles que la Zlecaf, afin de leur permettre d’établir des chaînes de valeur régionales plus larges et plus inclusives, ainsi qu’une croissance fondée sur le commerce.

Pour ce faire, les organisations internationales doivent travailler en partenariat. L’OMC, la CNUCED et l’ITC collaborent déjà à des initiatives telles que le Global Trade Helpdesk, qui simplifie les études de marché en regroupant les renseignements clés sur le commerce et les entreprises sur un portail unique, et apportent un soutien commun aux pays exportateurs de coton en Afrique.

Et demain ?

Enfin, des financements, publics et privés, doivent être mobilisés. La Société financière internationale estime à 300 milliards de dollars le déficit de financement destiné à l’entrepreneuriat des femmes dans le monde. Le déficit de financement du commerce mondial a, quant à lui, quasi doublé alors qu’il était d’un montant – déjà stupéfiant – de 1  500 milliards de dollars. Sans accès au financement, les entreprises ne peuvent se développer, se diversifier ou se renforcer.

Nous terminons cette tribune en lançant un appel à l’action. La création d’un avenir s’inscrivant davantage dans la durée, plus inclusif et plus connecté est le grand défi de notre époque. L’aide au développement, le commerce et le multilatéralisme font tous trois partie de la solution. Il est normal et compréhensible, en période de crise, que les gouvernements agissent pour soutenir leurs propres économies. Nous devons agir maintenant pour faire en sorte que les plus pauvres et les plus vulnérables puissent trouver la voie de la prospérité grâce au commerce mondial.

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