Rwanda : Asantii, vers l’industrialisation de la mode en Afrique

La marque de prêt-à-porter haut-de-gamme a ouvert une usine au Rwanda. Objectif : devenir une référence de la mode africaine à l’international et créer de l’emploi sur le continent.

Usine de confection textile d’Asantii, au Rwanda. © Serrah Galos/Seraphin Nayituriki

eva sauphie

Publié le 30 juillet 2022 Lecture : 4 minutes.

Dans la zone économique spéciale de Kigali, située à 10 minutes de l’aéroport, ce sont quelque 4 500 ouvriers qui s’attèlent à la fabrication des vêtements de la marque panafricaine Asantii, « merci » en swahili. Une nouveauté pour le Rwanda qui accueille, depuis juin 2019, sa toute première usine de confection textile, divisée en quatre unités de 8 000 m2. « Tous ces chiffres paraissent énormes, mais en Égypte les usines emploient 20 000 personnes ! » souligne la très ambitieuse Maryse Mbonyumutwa, 48 ans, tête pensante de ce projet financé, pour l’heure, sur fonds propres, en attendant des investisseurs. Cette Rwandaise installée en Belgique depuis 1994, suite à la guerre, compte répliquer la structure en Tanzanie courant 2023 et inaugurer deux autres bases en Afrique de l’Ouest et en Afrique australe, qui auront également chacune un atelier.

Améliorer les conditions des employés

Un vaste chantier et un pari fou pour celle qui dit vouloir avant tout développer l’industrie textile en Afrique pour réduire le taux de chômage de la jeunesse. Des centaines de personnes se bousculent en effet chaque semaine au portillon pour répondre aux offres d’emploi proposées par l’usine. Seule condition pour l’intégrer, avoir 18 ans et être Rwandais. « Beaucoup de femmes et de filles-mères nous rejoignent », confie Maryse Mbonyumutwa, qui a créé le label RSE Pink Ubuntu, visant à améliorer les conditions de vie des employés.

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L’usine offre plusieurs services, comme une crèche, une infirmerie et des repas. De quoi faire rêver. « Au lancement, on pouvait recevoir 60 personnes issues d’une même famille ou d’un même village. Aujourd’hui, on évite tout clientélisme. Notre système, qui rappelle les candidats par ordre d’arrivée, nous permet d’installer une culture de la méritocratie », s’enorgueillit la patronne.

Être visible partout

Cette ancienne employée dans la confection textile, avec plus de vingt ans d’expérience à son actif, a travaillé comme intermédiaire entre les grandes marques de distribution et les fabricants, notamment avec l’Asie. Un continent qui a su prouver la capacité génératrice d’emplois de l’industrie textile. Mais comment suivre le modèle de la concurrence sans tomber dans le piège de la surproduction et de la fast fashion ? C’est là tout l’enjeu d’Asantii, qui ne produit que deux collections par an. Et qui mise sur les matières et modes de fabrication durables. Manteau en faso dan fani tissé et teint à la main (environ 550 euros), large pantalon en denim upcyclé (190 euros), blazer floqué de broderies artisanales… La première ligne a été imaginée par 12 designers venus d’un peu partout en Afrique (RDC, Rwanda, Kenya, Sénégal, Tanzanie, Ghana, Côte d’Ivoire…), « pour une meilleure pénétration sur le continent ».

JAD20220727-CM-Mode-Afrique-Asantii-Photo2 © Collection Asantii

JAD20220727-CM-Mode-Afrique-Asantii-Photo2 © Collection Asantii

Mais l’objectif reste de cibler l’international. « Nous souhaitons être présents partout, non pas en termes de volumes, mais en termes de visibilité », prévient Maryse Mbonyumutwa, qui reconnaît avoir longtemps fermé les yeux sur les pratiques mises en place par les grosses machines de la mode. « Elles sont souvent peu éthiques en raison du manque de transparence dans les usines partenaires », pose celle qui met en avant ses collaborateurs et différents soutiens : de l’entreprise sociale Cabes, basée à Ouagadougou, pour le tissage du faso à Nozala, une organisation d’utilité publique campée en Afrique du Sud qui soutient l’entrepreneuriat au féminin et permet à Asantii de travailler avec deux de ses coopératives rurales pour développer le perlage et la bijouterie, en passant par Ibaba, un atelier de broderie basé à Rutongo.

Installer un écosystème de la mode

Si la mode africaine a jusqu’à présent brillé grâce aux défilés et fashion weeks, ce n’est qu’un premier pas pour la Rwandaise, qui estime que le business ne suit pas. « Il manque des initiatives qui se focalisent sur le financement. L’infrastructure de production est une étape, mais le vrai manque se trouve du côté des compétences, car les gens confondent la créativité d’un designer avec le succès d’un vêtement, observe-t-elle. Or, entre la conception et le produit fini, il existe des dizaines de métiers ». Modéliste, spécialiste en achat de matières, collection merchandising, marketing… autant de métiers intermédiaires qui font partie d’un écosystème de la mode qui n’existe pas en Afrique et qu’il faut créer.

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Maryse s’est ainsi entourée de Vanessa Anglin, qui a dirigé des marques de luxe internationales, pour piloter des professionnels depuis son bureau de Londres. Au total, huit personnes ont été recrutées pour occuper chaque métier intermédiaire. « Elles auront pour mission de former sur le continent pour développer les savoir-faire en Afrique et faire rayonner la mode de chez nous partout, espère Maryse Mbonyumutwa. Si le Japon a Uniqlo, la Suède, H&M, l’Espagne, Zara, alors le Rwanda aura Assantii », avance-t-elle. Mais cette avant-gardiste n’en est qu’au premier stade de sa révolution. Pour l’heure, l’e-shop vient fraîchement d’être lancé. Et deux boutiques physiques, l’une à Kigali et l’autre à Londres, ouvriront leurs portes en août.

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