Sky City One, une ville dans les nuages
Les poètes de l´empire du Milieu rêvaient de toucher le ciel. Le milliardaire Zhang Yue y parvient : il construit dans la banlieue de Changsha la plus haute tour du monde.
Dans la course aux records les plus insensés, la Chine s´apprête à marquer un nouveau point : la construction d´un gratte-ciel d´une hauteur de 838 mètres de hauteur dans la banlieue de Changsha, capitale du Hunan (Centre). Sky City One, c´est son nom, ambitionne donc, sinon de « toucher le ciel de la main », comme disaient naguère les poètes, du moins… de dépasser de quelques mètres la Burj Khalifa, la tour symbole de la nouvelle puissance de Dubaï et des Émirats arabes unis. Mais cette nouvelle tour géante de béton et d´acier est censée voir le jour en moins de quatre mois, si tout va bien, contre soixante-douze pour sa cousine du Golfe. Elle comptera 104 ascenseurs et 220 étages. Et sa construction nécessitera 200 000 tonnes d´acier. En attendant, elle suscite déjà beaucoup de polémiques.
Pour réussir cet exploit, Broad Group, le promoteur de l´opération, s´est en effet inspiré du célèbre jeu de Lego. Des blocs de 15 m x 4 m sont préfabriqués sur les divers chantiers du groupe, acheminés par camions puis assemblés sur le site de Changsha. Le travail mobilise plus de 3 000 ouvriers travaillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre sous l´oeil d´une armée de contremaîtres et d´architectes. Coup médiatique ou exploit architectural ? Les spécialistes sont partagés.
Des inquiétudes quant à la solidité du bâtiment
Lourd, construit à la va-vite sur un terrain mal stabilisé, l´ouvrage aurait, à en croire certains, pour principal objectif de promouvoir le savoir-faire de Broad Group, dont le coeur de métier est… la fabrication de climatiseurs. De fait, l´air respiré à l´intérieur de l´édifice serait vingt fois plus pur qu´à l´extérieur, ce qui n´est pas forcément une performance : Changsha est l´une des villes les plus polluées de Chine.
Outre l´extrême rapidité des travaux, il existe d´autres motifs d´inquiétude. Le terrain, par exemple, pourra-t-il supporter la gigantesque pression exercée par cette « ville dans les nuages » où sont censées vivre plus de 30 000 personnes ? Et quid du coût pour l´environnement ? Et de la volonté affichée par le groupe de réduire ses coûts au minimum ? La construction de Sky City One ne devrait pas en effet coûter plus de 1,1 milliard d´euros. Moitié moins que la tour de Dubaï. Beaucoup s´inquiètent donc de possibles malfaçons. Les normes de construction seront-elles respectées ?
Un patron mégalomane
La Chine compte de nombreux immeubles « en tofu » (fromage de soja) qui s´effondrent au moindre mouvement de terrain… Mais le promoteur jure que sa tour pourra résister à un séisme de magnitude 9 sur l´échelle de Richter et que les normes anti-incendies seront respectées. Pour justifier les faibles coûts de construction, il explique que les déchets de chantier seront dix fois moins importants que sur un chantier classique et que la consommation d´eau sera quasi nulle. Afin de rassurer les sceptiques, il rappelle qu´il a déjà bâti seize édifices à travers la Chine (dont, en seulement quinze jours, un hôtel de trente étages), et un autre à Cancún, au Mexique.
Quoi qu´il en soit, les fondations sont achevées. Et des caméras sont installées un peu partout pour scruter minute par minute l´avancement de ce gigantesque chantier. Avec plusieurs mois de retard, la première pierre vient d´être posée. Le compte à rebours a commencé. Mais pour Zhang Yue, patron de Broad Group, la partie est peut-être déjà gagnée. Son groupe fait la une des médias du monde entier. Pour un homme aussi mégalomane, excentrique et frimeur, n´est-ce pas là l´essentiel ? Pour situer le personnage, Zhang est l´auteur d´un manuel du parfait petit employé que quiconque ambitionne d´intégrer le groupe se doit de connaître par coeur. De la protection de l´environnement à l´éducation des enfants, en passant par… le brossage des dents, rien n´échappe à la sagacité du big boss.
Les travaux débutent sans autorisation
Reste à savoir si, cette fois, Zhang Yue, ce visionnaire mégalo, n´a pas poussé le bouchon un peu loin. En pleine cure de discrétion, d´économie et de simplicité, le gouvernement et la direction du Parti communiste ne voient pas d´un très bon oeil la débauche de publicité qu´il suscite. Et les risques qu´il prend. Quarante-huit heures après le lancement en grande pompe des travaux de Sky City One, on a ainsi découvert que les autorités provinciales du Hunan n´avaient toujours pas délivré les autorisations requises. Le chantier a donc été arrêté, et il ne pourra sans doute pas reprendre avant que les normes de sécurité aient été clarifiées. Ce qui pourrait prendre du temps.
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