Le Brésil à l’épreuve du pape François

À moins de un an du Mondial de football, la visite du souverain pontife à l´occasion des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) avait valeur de test en matière de sécurité. Résultat ? À demi concluant.

À Rio, le pape a réuni des dizaines de milliers de fidèles, le 26 juillet. © AFP

À Rio, le pape a réuni des dizaines de milliers de fidèles, le 26 juillet. © AFP

Publié le 6 août 2013 Lecture : 4 minutes.

Le Brésil a passé le premier test. Dans la douleur. Venu à Rio de Janeiro pour participer aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), le pape François a connu un début de séjour mouvementé. Tout aurait pu mal tourner moins de une heure après son arrivée, quand le policier qui ouvrait le cortège s´est trompé de route. Le pape s´est alors retrouvé bloqué dans les embouteillages, dans une voiture dépourvue de blindage. À plusieurs reprises, le véhicule a été contraint de s´arrêter. Il a aussitôt été encerclé par des foules de gens souhaitant voir de près et toucher le Saint-Père. Tout s´est bien terminé, mais cette erreur d´aiguillage aurait pu avoir de fâcheuses conséquences. « Son secrétaire a eu très peur, mais le pape était très content de ce contact inattendu avec la foule. Il a même tenu à laisser les fenêtres ouvertes », a confié le père Lombardi, porte-parole du Vatican. Quoi qu´il en soit, l´incident a révélé les failles du dispositif de sécurité mis en place par les autorités à l´occasion de ces JMJ. Eduardo Paes, le maire de Rio, s´est d´ailleurs auto-attribué à ce sujet une note « plus proche de zéro que de dix » !

D´autant que d´autres problèmes inquiètent, comme les transports en commun, passablement chaotiques. Dès le premier jour, le métro est tombé en panne. Les bus sont fort lents et presque toujours bondés. Pour quitter les sites où avaient lieu les différentes manifestations des JMJ, il fallait prendre place dans d´interminables files d´attente…

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Alors, le Brésil est-il vraiment capable d´organiser coup sur coup le Mondial de football en 2014 et les Jeux olympiques, à Rio, en 2016. La question se pose d´autant plus que, les Brésiliens étant dans leur majorité très favorables au pape, aucune manifestation d´envergure n´a eu lieu pendant les JMJ. On se souvient que tel ne fut pas le cas au mois de juin, lors de la Coupe des confédérations, sorte de répétition générale en miniature, un an avant le Mondial : des centaines de milliers de personnes manifestèrent parfois violemment leur hostilité face aux dépenses excessives engagées à l´occasion de ces événements sportifs planétaires, quand les services publics manquent parfois cruellement de moyens. Et puis, pape ou pas, force est de reconnaître que les supporteurs de foot sont généralement beaucoup plus turbulents que les paisibles pèlerins des JMJ !

Les affrontements du mois de juin ont fait ressurgir les critiques concernant le comportement pour le moins musclé de la police militaire. Plusieurs journalistes ont été touchés, parfois à la tête, par des balles en caoutchouc. « Les violences policières ont commencé à São Paulo et ont largement contribué au développement du mouvement, analyse Maurício Santoro, d´Amnesty International Brésil. Elles sont habituelles dans les banlieues déshéritées et les favelas, beaucoup moins dans les centres-villes et les quartiers aisés. » En mai 2012, le Conseil des droits de l´homme de l´ONU a appelé à la suppression de ce corps, soupçonné d´exécutions extrajudiciaires. « La police militaire a hérité de la défunte dictature (1964-1985) une tradition solidement ancrée d´autoritarisme ; elle est constamment dans une logique de confrontation », poursuit Santoro. Elle pourrait en outre être mieux formée. L´un de ses responsables avouait récemment à l´hebdomadaire Veja que les policiers militaires de Rio n´étaient plus entraînés à réagir aux troubles civils depuis cinq ans. Pourtant, la situation a tendance à s´améliorer, mais lentement.

La reconquête de la paix

Très inégale d´un État à l´autre, la criminalité reste un fléau. On recense en moyenne 20,4 homicides pour 100 000 habitants. La situation est particulièrement préoccupante dans les grandes villes de l´État de Bahia et dans celui du Nordeste. À Rio, les autorités ont lancé fin 2008 une opération de reconquête des favelas, ces quartiers misérables longtemps abandonnés aux narcotrafiquants. Le processus est toujours le même. Conjointement avec l´armée, les forces d´élite prennent le contrôle d´un quartier, puis, lorsque la situation est stabilisée, passent le relais à une Unité de police pacificatrice (UPP) – il en existe trente-deux -, qui est une sorte de police de quartier. Les résultats sont probants. En 2000, on recensait à Rio 56,6 homicides pour 100 000 habitants. Dix ans plus tard, on en compte 24,3 pour 100 000 habitants.

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Tout n´est pas devenu rose pour autant. Dans les favelas, le trafic de drogue est loin d´avoir été éradiqué, et la corruption de certains policiers suscite un sentiment de méfiance diffus dans la population. Dans les communautés censées être « pacifiées », les fusillades sont encore fréquentes – moins toutefois que dans un passé récent. Et la concentration des UPP dans les quartiers touristiques du sud de la ville ou à proximité de l´aéroport international est loin de faire l´unanimité. Bref, à un an du Mondial de foot, de gros nuages persistent dans le ciel de Rio.

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