Winnie Madikizela-Mandela : Nelson pour la vie
Winnie Mandela, l’ex-épouse de Madiba profite de l’hospitalisation de l’ancien président sud-africain pour réapparaître sous le feu des projecteurs… et à son avantage.
Agglutinés pendant de longues semaines devant le Mediclinic Heart Hospital de Pretoria, où séjourne Nelson Mandela, les journalistes ont dû se contenter d’une même image : les va-et-vient quasi quotidiens de la berline de son ex-femme, Winnie Madikizela-Mandela. Alors que les visites du président Jacob Zuma et les veillées de Graça Machel, l’actuelle épouse du héros de la lutte contre l’apartheid, ont lieu dans la plus grande discrétion, Winnie ne juge pas utile d’emprunter un passage dérobé. Elle multiplie même les interviews, soulignant que « personne ne connaît Nelson aussi bien » qu’elle ou faisant part de son « énorme chagrin ». En pleine lumière à la faveur de cette hospitalisation ultra-médiatisée, la « mère de la nation », comme la surnomment ses admirateurs, a pu apaiser son angoisse : celle de ne pas voir son rôle historique pleinement reconnu.
Ayant entretenu sans relâche la légende de son mari durant ses vingt-sept années d’emprisonnement, Winnie Mandela fait partie de ces responsables du Congrès national africain (ANC) qui ont particulièrement souffert. Alors que la plupart des cadres du parti étaient en exil ou en détention, elle a élevé seule ses deux filles tout en restant aux côtés des Sud-Africains, subissant tortures et arrestations à répétition. Winnie n’a quitté son fief, le township de Soweto (où elle vit toujours dans une grande maison sécurisée) que sous la contrainte du régime de l’apartheid, qui l’a assignée à résidence pendant neuf ans à Brandfort, un petit bourg reculé.
« Mandela n’est pas le seul à avoir souffert », s’était-elle indignée devant l’écrivain britannico-trinidadien d’origine indienne, VS Naipaul et sa femme Nadira, en 2010. Dans cette interview – que Winnie a reniée après sa publication – la pasionaria avait même reproché à son ex-mari d’avoir « laissé tomber » les Noirs en signant de « mauvais accords » pour eux.
La sortie de prison de Mandela, le 11 février 1990, avait pourtant été un moment de gloire pour elle aussi, immortalisée le poing en l’air à ses côtés. Mais très vite, elle s’était démarquée de son mari par ses prises de position radicales.
Winnie reste populaire malgré des discours qui choquent
À la différence de Nelson, qui n’a cessé d’être adulé depuis, Winnie a vu sa réputation sérieusement écornée par les années de lutte. Proclamé dans un discours de 1986, son soutien sans ambiguïté à la pratique du necklacing (consistant à brûler vifs, à l’aide d’un pneu enflammé, les traîtres présumés au mouvement antiapartheid) avait choqué l’opinion. Tout comme sa condamnation, en 1991, pour complicité dans le kidnapping d’un garçon âgé de 14 ans soupçonné d’avoir été un informateur, et retrouvé assassiné deux ans plus tôt. Nommée ministre adjointe des Arts et de la Culture en 1994, elle est révoquée moins d’un an plus tard à la suite d’accusations de corruption. Officiellement séparée de Mandela depuis 1992, elle s’était employée à repousser leur divorce, finalement prononcé en 1996.
À 76 ans, l’impénitente « Mama Mandela », comme on la surnomme dans les townships, où elle reste très populaire, estime n’avoir aucun compte à rendre. Elle n’a pas réprouvé la tentative de sa fille, Zenani, de démettre les gestionnaires de la fortune familiale nommés par Madiba lui-même. Au sein de l’ANC, sous la bannière duquel elle est députée depuis 2009, elle a soutenu sans réserve Julius Malema, le jeune trublion, aujourd’hui exclu, qui défend la nationalisation des mines et la saisie sans compensation des terres des Blancs. Fin juin, elle a tancé le président Jacob Zuma en qualifiant son attitude de « grossière » : il s’était affiché au côté d’un Nelson Mandela visiblement affaibli et incommodé. Une dernière sortie qui a eu le mérite de la faire apparaître comme la véritable gardienne de l’héritage Mandela.
>> Lire aussi : Afrique du Sud : "Grande amélioration" de l’état de santé de Mandela, selon son ex-femme
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