Russie : Alexeï Navalny, condamné à cinq ans de camp… pour opposition
Chantre de la lutte anticorruption, Alexeï Navalny a été condamné à cinq ans de camp, le 18 juillet, au terme d´une parodie de procès. Si la peine est confirmée en appel, il ne pourra briguer la mairie de Moscou en septembre. Et encore moins la présidence en 2018.
C´est l´histoire d´un gaillard de 37 ans, blond aux yeux bleus, qui vit avec Ioulia, sa femme, et leurs deux bambins dans un quartier de la périphérie de Moscou. S´il n´était devenu un chantre de la lutte anticorruption, Alexeï Navalny aurait pu mener une existence bien tranquille. Las, le 18 juillet, au terme d´une mascarade de procès, il a été condamné pour avoir détourné 16 millions de roubles (375 000 euros) au détriment d´une exploitation forestière publique, en 2009, alors qu´il conseillait le gouverneur de la région de Kirov. Verdict : cinq ans de camp. Une peine qui, si elle était confirmée en appel, l´empêcherait de briguer la mairie de Moscou le 8 septembre puis la présidence en 2018, comme il en avait l´intention.
Car Navalny a commis l´erreur d´entrer en politique sous la bannière de l´opposition libérale : d´abord au parti Iabloko, puis chez Parnas, qui l´a adoubé pour les municipales. Il a aggravé sa faute en prenant la tête des manifestations qui ont éclaté dans les grandes villes au lendemain des législatives truquées de décembre 2011, n´hésitant pas à qualifier Russie unie, le mouvement du président Vladimir Poutine, de « parti des escrocs et des voleurs » – l´expression a fait florès.
Enfin, crime impardonnable, cet avocat d´affaires formé à l´université de Yale (États-Unis) a créé RosPil, un site web recensant les malversations des entreprises d´État et les turpitudes des caciques d´un « régime féodal » qui, dit-il, permet à « 0,5 % de la population d´accaparer 83 % des richesses nationales ».
Parmi ses victimes ? Transneft, le géant de l´énergie, qu´il a accusé d´avoir détourné 2,9 millions d´euros à la faveur de la construction d´un oléoduc en Sibérie. Ou Vladimir Iakounine, le patron des chemins de fer, qui dissimulerait son immense fortune derrière une nébuleuse de sociétés offshore.
Certes, la candidature de Navalny à la mairie de Moscou a été passée sous silence par les médias, quasiment tous à la botte du pouvoir. Mais, relayé par Twitter et la blogosphère, l´activisme de ce trublion perce le filtre de la censure : alors que seuls 6 % des Russes avaient entendu parler de lui en avril 2011, ils étaient, en mai dernier, 37 % dans ce cas, selon un sondage de l´institut Levada. Et, alors que Poutine voit sa cote de popularité (50 %, tout de même) s´effriter en raison de la crise économique, 44 % des Russes (et 57 % des Moscovites) estiment que Navalny est victime d´un règlement de comptes politique.
Les contestataires mis au ban de la société
« Ne soyez pas résignés ! Le crapaud ne tombera pas tout seul de son pipeline », a lancé l´opposant à ses partisans après l´énoncé du verdict, faisant allusion au président et à la manne pétrolière qui nourrit et perpétue le système.
Sera-t-il entendu au-delà des classes moyennes urbaines, exaspérées par les tours de passe-passe du binôme Poutine-Medvedev ? Rien n´est moins sûr. L´emprise du pouvoir sur des campagnes gavées d´allocations diverses reste forte. L´opposition est décrédibilisée par ses divisions et par l´absence de leaders compétents. Surtout, échaudé par le Printemps arabe et effrayé par la puissance déstabilisatrice des réseaux sociaux, le régime s´est lancé dans une surenchère répressive. Il multiplie les procès « pour l´exemple » contre les contestataires (comme le groupe punk féministe des Pussy Riot) et ne cesse de durcir la législation, qu´elle porte sur les sit-in, la diffamation, internet ou les ONG, considérées comme des « agents de l´étranger » dès qu´elles reçoivent des fonds ne venant pas de Russie. Navalny, certes, montre l´exemple. Mais la société civile qui s´éveille aura bien du mal à déverrouiller un système de plus en plus nerveux…
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