Russie : Alexeï Navalny, condamné à cinq ans de camp… pour opposition

Chantre de la lutte anticorruption, Alexeï Navalny a été condamné à cinq ans de camp, le 18 juillet, au terme d´une parodie de procès. Si la peine est confirmée en appel, il ne pourra briguer la mairie de Moscou en septembre. Et encore moins la présidence en 2018.

Alexeï Navalny accueilli par ses partisans à la gare ferroviaire de Moscou, le 20 juillet. © Dmitry Lovetsky/AP/Sipa

Alexeï Navalny accueilli par ses partisans à la gare ferroviaire de Moscou, le 20 juillet. © Dmitry Lovetsky/AP/Sipa

JOSEPHINE-DEDET_2024

Publié le 4 août 2013 Lecture : 3 minutes.

C´est l´histoire d´un gaillard de 37 ans, blond aux yeux bleus, qui vit avec Ioulia, sa femme, et leurs deux bambins dans un quartier de la périphérie de Moscou. S´il n´était devenu un chantre de la lutte anticorruption, Alexeï Navalny aurait pu mener une existence bien tranquille. Las, le 18 juillet, au terme d´une mascarade de procès, il a été condamné pour avoir détourné 16 millions de roubles (375 000 euros) au détriment d´une exploitation forestière publique, en 2009, alors qu´il conseillait le gouverneur de la région de Kirov. Verdict : cinq ans de camp. Une peine qui, si elle était confirmée en appel, l´empêcherait de briguer la mairie de Moscou le 8 septembre puis la présidence en 2018, comme il en avait l´intention.

Car Navalny a commis l´erreur d´entrer en politique sous la bannière de l´opposition libérale : d´abord au parti Iabloko, puis chez Parnas, qui l´a adoubé pour les municipales. Il a aggravé sa faute en prenant la tête des manifestations qui ont éclaté dans les grandes villes au lendemain des législatives truquées de décembre 2011, n´hésitant pas à qualifier Russie unie, le mouvement du président Vladimir Poutine, de « parti des escrocs et des voleurs » – l´expression a fait florès.

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Enfin, crime impardonnable, cet avocat d´affaires formé à l´université de Yale (États-Unis) a créé RosPil, un site web recensant les malversations des entreprises d´État et les turpitudes des caciques d´un « régime féodal » qui, dit-il, permet à « 0,5 % de la population d´accaparer 83 % des richesses nationales ».

Parmi ses victimes ? Transneft, le géant de l´énergie, qu´il a accusé d´avoir détourné 2,9 millions d´euros à la faveur de la construction d´un oléoduc en Sibérie. Ou Vladimir Iakounine, le patron des chemins de fer, qui dissimulerait son immense fortune derrière une nébuleuse de sociétés offshore.

Certes, la candidature de Navalny à la mairie de Moscou a été passée sous silence par les médias, quasiment tous à la botte du pouvoir. Mais, relayé par Twitter et la blogosphère, l´activisme de ce trublion perce le filtre de la censure : alors que seuls 6 % des Russes avaient entendu parler de lui en avril 2011, ils étaient, en mai dernier, 37 % dans ce cas, selon un sondage de l´institut Levada. Et, alors que Poutine voit sa cote de popularité (50 %, tout de même) s´effriter en raison de la crise économique, 44 % des Russes (et 57 % des Moscovites) estiment que Navalny est victime d´un règlement de comptes politique.

Les contestataires mis au ban de la société

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« Ne soyez pas résignés ! Le crapaud ne tombera pas tout seul de son pipeline », a lancé l´opposant à ses partisans après l´énoncé du verdict, faisant allusion au président et à la manne pétrolière qui nourrit et perpétue le système.

Sera-t-il entendu au-delà des classes moyennes urbaines, exaspérées par les tours de passe-passe du binôme Poutine-Medvedev ? Rien n´est moins sûr. L´emprise du pouvoir sur des campagnes gavées d´allocations diverses reste forte. L´opposition est décrédibilisée par ses divisions et par l´absence de leaders compétents. Surtout, échaudé par le Printemps arabe et effrayé par la puissance déstabilisatrice des réseaux sociaux, le régime s´est lancé dans une surenchère répressive. Il multiplie les procès « pour l´exemple » contre les contestataires (comme le groupe punk féministe des Pussy Riot) et ne cesse de durcir la législation, qu´elle porte sur les sit-in, la diffamation, internet ou les ONG, considérées comme des « agents de l´étranger » dès qu´elles reçoivent des fonds ne venant pas de Russie. Navalny, certes, montre l´exemple. Mais la société civile qui s´éveille aura bien du mal à déverrouiller un système de plus en plus nerveux…

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