Le crépuscule des Juifs de Tunisie

Publié le 8 août 2013 Lecture : 3 minutes.

Les Juifs tunisiens ont toujours gardé des liens étroits avec leur terre natale. Des milliers de touristes, et parmi eux des « Tunisraéliens », consacraient leurs vacances estivales à retrouver la nostalgie d´une terre qu´ils n´ont jamais oubliée. Aujourd´hui, la Tunisie compte environ 1 500 Juifs dont une partie réside à Tunis et l´autre sur l´île de Djerba, cette dernière étant sans conteste le lieu où la communauté demeure le plus ancrée dans les traditions judaïques. Djerba fut aussi la seule à résister à l´assimilation française, et il y existe encore des écoles talmudiques ainsi que plusieurs synagogues. La plus célèbre d´entre elles, la Ghriba, accueille chaque année un pèlerinage qui permet aux Juifs tunisiens de la diaspora de renouer avec leur terre natale. Paradoxe difficile à comprendre d´une communauté à la fois si intensément juive et si parfaitement intégrée dans son environnement musulman.

Pourtant, la Tunisie nouvelle, sous influence islamiste, a fait naître de sérieuses craintes en ce qui concerne sa minorité juive. En effet, au lendemain de la « révolution du jasmin », des salafistes défilèrent bruyamment devant la grande synagogue de Tunis en exigeant le départ des Tunisiens de confession juive. L´an dernier, lors d´une visite officielle en Tunisie, Ismaïl Haniyeh, l´un des dirigeants du Hamas, a été accueilli à l´aéroport par des manifestants scandant « Mort aux Juifs » et autres « Il faut tuer les Juifs, c´est notre devoir »… Des propos tardivement condamnés par les autorités tunisiennes de l´époque, qui conduisirent Silvan Shalom, alors vice-Premier ministre de l´État hébreu et natif de Gabès, à « inviter » les Juifs de Tunisie à venir d´urgence s´installer en Israël.

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Les dirigeants communautaires tunisiens et, parmi eux, Perez Trabelsi, qui dirige la communauté juive de Djerba, refusèrent l´appel à émigrer et insistèrent sur leur statut de citoyens tunisiens vivant en bonne intelligence avec leurs compatriotes musulmans.

Néanmoins, le même Perez Trabelsi demandera la protection de l´armée en novembre 2012, à la suite du projet d´enlèvement de Juifs issus de familles aisées dans le but d´obtenir une rançon et de créer la panique au sein de la communauté locale, composée d´une poignée de commerçants, de rabbins et de retraités viscéralement attachés à leur terre et à leurs coutumes.

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En début d´année, plusieurs cimetières juifs ont été profanés. Celui du Kef a été ravagé par des fanatiques qui ont détruit des dalles et des pierres tombales. Les stèles de grands sages et de rabbins ont été renversées et brisées. À la même période, des salafistes ont vandalisé le cimetière juif de Sousse. Au-delà des violations de sépultures et des dégradations matérielles de tombes, les policiers finiront par trouver des ossements humains jetés dans la rue !

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Le silence du gouvernement face à ces actes ignobles et à certains discours judéophobes participe à l´enracinement du fléau de la haine dans la société tunisienne. Dans les mosquées et lors des prêches du vendredi, les Juifs sont décrits comme des « traîtres », accusés de « haïr la religion islamique ». Raison pour laquelle ils subissent insultes, violences, attaques de synagogues et profanations de leurs cimetières.

Enfin, que peut espérer un Tunisien de confession juive qui a consacré l´essentiel de sa vie à la promotion touristique de son pays ? René Trabelsi, fils du dirigeant de la communauté juive de Djerba, oeuvre depuis une vingtaine d´années à la promotion de la Tunisie et de son île en particulier. Unanimement reconnu par ses pairs, son dévouement sera maintes fois récompensé par les autorités tunisiennes. Pressenti pour devenir ministre du Tourisme avec l´assentiment de la quasi-totalité de la classe politique, il fera l´objet d´un veto sans appel de la part des dirigeants islamistes. Ces derniers estimant qu´un Juif n´a pas vocation à devenir ministre dans un pays d´essence musulmane…

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La population juive de Tunisie se réduit comme peau de chagrin. Une partie de ceux qui constituèrent autrefois une imposante communauté s´est dirigée vers Israël, les autres immigrant essentiellement en France. Partagés entre ces deux pays où ils se sont donné une nouvelle vie, ils restent liés à la Tunisie par deux mille ans d´histoire commune.

>> Lire aussi : Y a-t-il encore des Juifs au Maghreb ?

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