Mali – Mahmoud Dicko : « Jamais personne ne critique l’intégrisme laïque »
L´imam Mahmoud Dicko assure ne soutenir aucun candidat à la présidentielle du Mali, mais il somme les politiques de tenir compte de la sensibilité religieuse du pays.
![Mahmoud Dicko au stade omnisport de Bamako en 2012. © Emmanuel Bakary Daou pour JA](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2013/08/02/030072013163508000000JA2742p030.jpg)
Mahmoud Dicko au stade omnisport de Bamako en 2012. © Emmanuel Bakary Daou pour JA
Propos recueillis avant le premier tour de l’élection présidentielle au Mali, et publié dans Jeune Afrique n°2741, du 21 au 27 juillet.
Jeune Afrique : Pourquoi votre instance a-t-elle donné, le 19 juillet, une consigne de vote au profit du candidat Ibrahim Boubacar Keïta ?
Mahmoud Dicko : Ce n´est pas vrai. Le Haut Conseil islamique du Mali n´émet aucune consigne de vote. L´appel que vous évoquez émane d´une association de jeunes musulmans soutenue par quelques prédicateurs. Il n´engage en rien notre structure.
Quelle place occupe le HCIM dans le processus électoral ?
Nous souhaitons sensibiliser et convaincre le croyant d´être un bon citoyen qui exerce son devoir le jour du scrutin. L´engouement que nous percevons dans les mosquées pour cette élection balaie toutes nos craintes quant à la participation, même si nous sommes conscients des difficultés qui entoureront les opérations de vote à Kidal.
Comment expliquer l´influence grandissante des imams dans la vie politique ?
Le coup d´État du 22 mars et les événements qui ont suivi ont mis à nu le discrédit qui frappait l´ensemble de la classe politique. Les vrais leaders d´opinion n´étaient plus les patrons de parti mais les chefs religieux. Pendant deux décennies, notre modèle démocratique a été factice. Des sacrifices ont été consentis pour chasser la dictature, mais le régime démocratique a été pris en otage par une élite qui a pris le contrôle des institutions pour s´enrichir sans jamais se soucier du quotidien difficile des populations. Les politiques ont alors incarné la corruption, la mauvaise gouvernance et le clientélisme. Résultat : cette élite a été conspuée par le peuple, qui s´est tourné vers la mosquée. En quoi est-ce une régression démocratique ? Si la démocratie est réellement universelle, elle doit s´adapter à nos réalités et à nos valeurs. Certaines voix en Occident, souvent relayées chez nous, crient à l´intégrisme religieux, mais nul ne souffle mot sur l´intégrisme laïque.
>> Lire : Au Mali, pour qui ont voté les imams ?
Celui-ci sévit-il au Mali ?
Nous sommes dans un pays à 90 % musulman et à 100 % croyant. Au nom de quoi devrait-on ignorer le fait religieux ? Pourquoi autant de suspicions si les Maliens ont davantage confiance en un imam qu´en un homme politique ? Notre pays doit s´inventer un mode de gouvernance qui accorde plus de place à nos valeurs et à nos réalités. Nous ne pouvons faire abstraction de notre vécu, de nos traditions et de notre organisation sociale. À sa manière, l´intégrisme laïque nourrit l´intégrisme religieux.
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