Mali – Mahmoud Dicko : « Jamais personne ne critique l’intégrisme laïque »
L´imam Mahmoud Dicko assure ne soutenir aucun candidat à la présidentielle du Mali, mais il somme les politiques de tenir compte de la sensibilité religieuse du pays.
Propos recueillis avant le premier tour de l’élection présidentielle au Mali, et publié dans Jeune Afrique n°2741, du 21 au 27 juillet.
Jeune Afrique : Pourquoi votre instance a-t-elle donné, le 19 juillet, une consigne de vote au profit du candidat Ibrahim Boubacar Keïta ?
Mahmoud Dicko : Ce n´est pas vrai. Le Haut Conseil islamique du Mali n´émet aucune consigne de vote. L´appel que vous évoquez émane d´une association de jeunes musulmans soutenue par quelques prédicateurs. Il n´engage en rien notre structure.
Quelle place occupe le HCIM dans le processus électoral ?
Nous souhaitons sensibiliser et convaincre le croyant d´être un bon citoyen qui exerce son devoir le jour du scrutin. L´engouement que nous percevons dans les mosquées pour cette élection balaie toutes nos craintes quant à la participation, même si nous sommes conscients des difficultés qui entoureront les opérations de vote à Kidal.
Comment expliquer l´influence grandissante des imams dans la vie politique ?
Le coup d´État du 22 mars et les événements qui ont suivi ont mis à nu le discrédit qui frappait l´ensemble de la classe politique. Les vrais leaders d´opinion n´étaient plus les patrons de parti mais les chefs religieux. Pendant deux décennies, notre modèle démocratique a été factice. Des sacrifices ont été consentis pour chasser la dictature, mais le régime démocratique a été pris en otage par une élite qui a pris le contrôle des institutions pour s´enrichir sans jamais se soucier du quotidien difficile des populations. Les politiques ont alors incarné la corruption, la mauvaise gouvernance et le clientélisme. Résultat : cette élite a été conspuée par le peuple, qui s´est tourné vers la mosquée. En quoi est-ce une régression démocratique ? Si la démocratie est réellement universelle, elle doit s´adapter à nos réalités et à nos valeurs. Certaines voix en Occident, souvent relayées chez nous, crient à l´intégrisme religieux, mais nul ne souffle mot sur l´intégrisme laïque.
>> Lire : Au Mali, pour qui ont voté les imams ?
Celui-ci sévit-il au Mali ?
Nous sommes dans un pays à 90 % musulman et à 100 % croyant. Au nom de quoi devrait-on ignorer le fait religieux ? Pourquoi autant de suspicions si les Maliens ont davantage confiance en un imam qu´en un homme politique ? Notre pays doit s´inventer un mode de gouvernance qui accorde plus de place à nos valeurs et à nos réalités. Nous ne pouvons faire abstraction de notre vécu, de nos traditions et de notre organisation sociale. À sa manière, l´intégrisme laïque nourrit l´intégrisme religieux.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- CAF : entre Patrice Motsepe et New World TV, un bras de fer à plusieurs millions d...
- Lutte antiterroriste en Côte d’Ivoire : avec qui Alassane Ouattara a-t-il passé de...
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour quelques centaine...
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?