Après le meurtre de Mohamed Brahmi, la Tunisie se soulève

L´assassinat de l´opposant Mohamed Brahmi plonge la Tunisie dans une nouvelle crise politique. Le processus de transition, qui devait mener à des élections législatives et présidentielle, est-il menacé ?

Des manifestants brandissent le portrait de Mohamed Brahmi devant le ministère de l’Intérieur. © Khalil/AFP

Des manifestants brandissent le portrait de Mohamed Brahmi devant le ministère de l’Intérieur. © Khalil/AFP

Publié le 1 août 2013 Lecture : 3 minutes.

Un peu moins de six mois après l´assassinat du leader de gauche Chokri Belaïd, quatorze balles ont fauché le 25 juillet, en plein ramadan, Mohamed Brahmi, 58 ans, élu du parti Echaab (« le peuple ») puis fondateur du Courant populaire. Cet homme pieux avait oeuvré pour que cette formation nationaliste arabe rejoigne, début juillet, le Front populaire, une alliance de partis de gauche. Il s´était aussi distingué en approuvant le soulèvement égyptien qui a abouti à la destitution du président Morsi, faisant un parallèle avec la situation en Tunisie.

Natif de Sidi Bouzid – d´où est partie la révolution en décembre 2010 – et député de cette circonscription à l´Assemblée nationale constituante (ANC), Brahmi n´était pas le plus virulent des opposants à la troïka au pouvoir dominée par le parti islamiste Ennahdha. Mais, manifestement, il dérangeait cette formation. « Notre ancrage arabo-musulman ne peut être mis en doute ; aussi, notre rapprochement avec le Front populaire ne permet plus aux islamistes de traiter la gauche de mécréante. Or Ennahdha est persuadée que son avenir serait assuré si elle parvenait à écarter ce rival très gênant », expliquait-il le 20 juillet.

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>> Lire aussi : Mais qui a commandité l’assassinat de Chokri Belaïd

La même arme a tué Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi

Pourtant, de toute évidence, le meurtre de Brahmi ne profite pas aux islamistes, déjà soumis à une forte contestation populaire et que la chute de Mohamed Morsi, en Égypte, met encore plus sur la défensive. Embarrassés, ils ont d´ailleurs été les premiers à condamner cet assassinat dont le mode opératoire est en tous points semblable à celui de Chokri Belaïd : attiré hors de chez lui par un appel téléphonique, Brahmi a été abattu devant son domicile par deux hommes qui ont pris la fuite en Vespa.

Lors d´une conférence de presse le 26 juillet, le ministre de l´Intérieur a mis en cause un groupe d´extrémistes salafistes proche d´Ansar el-Charia et dont les membres auraient été liés dans le passé au groupe Soliman, qui avait projeté des attentats en 2006. Le tireur, en fuite, a été identifié. Il s´agirait d´un certain Boubaker el-Hakimi, déjà recherché pour trafic d´armes depuis la Libye. Toujours selon le ministre, le revolver 12 mm qu´il a utilisé pour tuer Brahmi est le même que celui qui a tué Chokri Belaïd – abattu, lui, par un autre membre du groupe.

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Manifestations populaires et grèves générales

Le moment a été savamment choisi : assassiner un démocrate le 25 juillet, jour de la fête de la République, a une portée d´autant plus symbolique que le pouvoir se refuse à la célébrer. De l´avis général, ceux qui ont éliminé l´opposant cherchent, à travers lui, à écraser dans l´oeuf le processus de transition démocratique. Les assassins sont passés à l´acte alors que l´ANC venait de parvenir à un accord sur les articles litigieux de la Constitution. Mieux, Ennahdha avait fait machine arrière et accepté tous les amendements proposés par l´opposition, y compris l´abrogation de l´article 141 conférant un caractère religieux à l´État. Le résultat des dernières discussions devait être ratifié le 26 juillet, tout comme le choix définitif des membres de l´Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Ce qui revenait à dire que l´ANC, dont le bilan est très controversé, s´apprêtait enfin à donner le coup d´envoi à l´organisation des élections législatives et présidentielle.

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Cet acte rebat les cartes : Ennahdha est isolée ; ses amis d´hier, comme Al-Joumhouri d´Ahmed Néjib Chebbi, exigent la chute de l´exécutif, la dissolution de l´ANC, la mise au point de la Constitution par des experts et l´instauration d´un gouvernement de salut public. La réaction populaire ne s´est pas fait attendre : des manifestations spontanées et pacifiques, réprimées par la police à coups de gaz lacrymogène, ont eu lieu dans la nuit du 25 au 26 juillet dans les principales villes du pays, immédiatement suivies par une grève générale. L´enterrement de Mohamed Brahmi, le lendemain, au côté de Chokri Belaïd, s´accompagne déjà de démissions en cascade d´élus de l´ANC issus de différents partis.

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