L’Égypte entre ombre et lumière
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 29 juillet 2013 Lecture : 2 minutes.
Décidément, le phare du monde arabe fait alterner ombre et lumière. Après la radieuse euphorie née de la chute de Hosni Moubarak, puis les sombres heures du mandat de Mohamed Morsi, puis l´éclatant retour de l´angélisme révolutionnaire lors de la destitution par l´armée du chef de l´État, voici que l´Égypte replonge dans les ténèbres : l´impasse politique est totale, la violence omniprésente, les lois peu respectées.
Et l´on ne peut dire que l´exemple vienne d´en haut : arrestations en masse des Frères musulmans, répression féroce et meurtrière, mise en place d´une justice aux ordres… Le nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui n´aime apparemment rien tant qu´exhiber ses médailles à la télé, joue un jeu très dangereux en appelant les Égyptiens à s´emparer de la rue, ce 26 juillet, pour lui exprimer son soutien et lui donner « mandat pour en finir avec la violence et le terrorisme ». Attitude virile, sans doute, mais surtout choquante, irresponsable. Elle consiste, en somme, à faire signer une pétition pour obtenir les pleins pouvoirs. Et se faire délivrer un permis de tuer. Singulière conception de la démocratie !
Du général Mohamed Naguib, qui déposa le roi Farouk avant d´être évincé par Nasser quelques mois plus tard, à Hosni Moubarak, en passant par Anouar al-Sadate, les militaires égyptiens se sont surtout signalés dans l´Histoire par une forte propension à étouffer toute velléité démocratique et à organiser des parodies d´élections. Tout le monde ou presque, et notamment les intellectuels, se réjouit aujourd´hui de l´intervention de l´armée. Il est permis de s´étonner de ce concert de louanges. Destituer le seul président civil et régulièrement élu de l´histoire du pays – même si les procès en incompétence et en dérive autocratique qui lui ont été faits étaient justifiés – peut difficilement passer pour un acte anodin. Encore moins salvateur. Au moins pourrait-on faire preuve de la plus élémentaire prudence.
Ceux qui acclament aveuglément l´armée, pilier de tous les régimes autoritaires depuis plus de soixante ans, et veulent croire à sa conversion miraculeuse à la démocratie seraient bien inspirés de méditer le précédent algérien des années 1990, quand, sur le point d´aboutir à la victoire du Front islamique du salut (FIS), le processus électoral fut brutalement interrompu. Non que l´exclusion puis la radicalisation des islamistes égyptiens soient susceptibles de provoquer une guerre civile aussi longue et meurtrière. Les temps – et les circonstances – ont changé, l´Égypte ne devrait pas être abandonnée par la communauté internationale comme le fut naguère l´Algérie. Mais ceux qui, libéraux, nationalistes, républicains ou simplement « de gauche », s´étaient réjouis à l´époque de l´intervention de l´armée – on les surnommait les éradicateurs – attendent toujours, vingt ans plus tard, l´émergence de cette Algérie démocratique et libérale qu´ils appelaient de leurs voeux.
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