Ripoux et compagnie
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 31 juillet 2013 Lecture : 2 minutes.
Au début de ce mois, j’ai vécu à Kinshasa une expérience édifiante sur les rapports entre la police et la population. C’était un samedi, en fin de matinée. À bord d’un petit tout-terrain, tout ce qu’il y a d’ordinaire, prêté par un ami, je me rendais dans une localité située à quelque 150 km de la capitale. Mon chauffeur s’arrête quelques instants sur le boulevard Lumumba, à côté d’autres automobiles. Soudain, un pick-up plein de policiers et un véhicule de remorque s’arrêtent devant nous. Nous sommes vite encerclés. L’une des roues avant du 4×4 est percée à l’aide d’une chaîne cloutée.
Que se passe-t-il ? Les policiers, surexcités, répondent en choeur qu’à cet endroit le stationnement est interdit. D’accord. Mais aucun panneau, aucun marquage au sol ne l’indique. En outre, nous ne sommes pas les seuls à nous être arrêtés. Les agents ne veulent rien entendre : panneau ou pas, l’infraction est consommée. D’ailleurs, panneau ou pas, le chauffeur doit savoir là où il est interdit de stationner. Curieux… Je ne connaissais pas cette version du code de la route. Les policiers intiment au chauffeur l’ordre de montrer ses papiers. Mais l’homme, au lieu de s’exécuter, démarre brusquement. Les policiers se mettent en branle, l’un d’eux s’accroche à l’une des portières du 4×4. Le public jubile : nous voilà en plein film d’action. Inquiet, je demande au chauffeur de revenir au point de départ. Il accepte, tout en refusant d’exhiber ses papiers. Nouvelle discussion. Nouvelles menaces. C’est alors que le conducteur propose quelque chose d’incroyable au chef des policiers : « Si vous voulez voir mes papiers, montez à bord pour que je vous conduise où ils se trouvent. » Bizarrement, l’agent accepte. Le conducteur démarre en trombe, le pick-up des policiers à nos trousses. Le film d’action reprend. Les embardées soumettent mon coeur à rude épreuve.
Le rodéo s’achève dans un petit marché. Un véhicule venant en face empêche mon chauffeur de progresser. Les policiers nous tombent dessus, nous accusant d’avoir enlevé leur chef. Mais ils n’arrivent pas à extraire le chauffeur du véhicule ni à lui prendre les clés. Finalement, à bout de forces, ils me proposent un marché : 50 000 francs congolais en guise de dédommagement « pour le carburant gaspillé ». Mon non est catégorique. La foule entre alors en scène en huant les policiers et en les traitant de voleurs. La bande se retire sans gloire et sur la pointe des pieds. Un racket de moins et un manque d’autorité criant de la part de la force publique.
À Yaoundé ou à Douala, ailleurs encore sur le continent, chacun sait ce qu’il en coûte d’être au volant. Là-bas, les radars sont cachés dans des fourrés, tout comme les policiers, qui ne surgissent que pour signifier un dépassement de vitesse. Mais quel dépassement parce qu’il n’y a pas de panneau ? Pour sortir du traquenard, il faut laisser quelques milliers de francs CFA. Tout comme lorsque les policiers vous affirment que vos chaussures ne sont pas adaptées aux pédales de votre automobile ; que vous avez un double pare-brise parce que vous portez des lunettes. Ou encore que vous n’avez pas d’extincteur ou de boîte à pharmacie ! Bravo, messieurs et mesdames de la police ! Quelle imagination !
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