Maroc : à la conquête du Sud
Un autre Maroc ?
Depuis son indépendance, le royaume n’a cessé de réaffirmer son identité africaine et, depuis plus de cinquante ans, occupe une position de leader au sein du continent. Les relations entre le Maroc et ses partenaires africains ont connu plusieurs temps forts. D’abord celui de la coopération militaire, puis politique, et, depuis la fin des années 1990, économique. Le volume des échanges commerciaux avec les pays subsahariens est passé de 588 millions de dollars (503,6 millions d’euros) en 1998 à 3 milliards en 2008 et, depuis quelques années, le pays est le deuxième investisseur africain sur le continent après l’Afrique du Sud.
Cette place privilégiée qu’il occupe au sein de la communauté, en particulier en tant qu’acteur économique majeur en Afrique de l’Ouest, ne souffre aucunement de son absence au sein de l’Union africaine. Mieux, le Maroc, qui a fondé sa politique africaine sur les coopérations bilatérales, négocie actuellement des accords de partenariats stratégiques incluant la mise en place progressive de zones de libre-échange avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
Cette coopération renforcée se traduit sur le plan politique par les nombreuses visites officielles effectuées en treize ans par le roi Mohammed VI dans des pays subsahariens. En mars dernier, le souverain s’est ainsi rendu au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon, trois marchés « cibles » de la stratégie économique marocaine. En dix ans, une quarantaine de commissions mixtes ont été créées, près de 5 000 conventions et accords bilatéraux ont été signés et sont entrés en vigueur.
Le pari de l’Afrique
Profitant de ce cadre politique privilégié, de nombreuses entreprises marocaines font depuis plus de cinq ans le pari de l’Afrique, continent qui connaît une forte croissance. Mais leur intérêt s’explique aussi par leur volonté de réduire leur dépendance à l’égard des économies européennes aujourd’hui en crise.
L’eldorado africain a permis aux champions nationaux de se diversifier et de développer leurs activités à l’international. Aujourd’hui, les grandes sociétés du pays œuvrant dans différents secteurs (télécoms, banque, mines, construction, eau et électricité, gestion des ports, etc.) sont présentes dans plus d’une vingtaine d’États subsahariens. Parmi les exemples les plus marquants, Maroc Télécom, qui possède plusieurs filiales dont Mauritel (Mauritanie), Onatel (Burkina Faso), Sotelma (Mali) et Gabon Télécom. Les principales banques, Attijariwafa Bank et la Banque marocaine du commerce extérieur (à travers l’acquisition de Bank of Africa en 2009), sont aujourd’hui présentes dans 19 pays africains. D’autres grands groupes nationaux, comme Addoha, Sanad, Managem et l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE), sont également implantés dans de nombreux États du continent. De nombreuses PME y développent également leurs activités. Les entrepreneurs locaux ont désormais le réflexe de se tourner vers le Sud dès que leur croissance sur le marché national devient importante.
En 2014, 106 millions d’Africains devraient disposer d’un revenu annuel de plus de 5 000 dollars, un seuil au-delà duquel ils consacreront, selon les experts, la moitié de leurs revenus à l’achat de biens non alimentaires. Cette nouvelle classe moyenne influera sur la demande locale et permettra d’impulser un cercle vertueux de production.
L’expertise multisectorielle de l’économie du royaume, le choix de l’Afrique insufflé au plus haut niveau de l’État et la multiplication des success-stories mettent les investisseurs marocains dans les meilleures dispositions pour accompagner les économies africaines dans leur diversification.
Qu’on se le dise, l’Afrique est indéniablement le relais de croissance naturel du royaume. Au-delà d’être un partenariat gagnant-gagnant Sud-Sud, le modèle marocain en Afrique épouse les contours d’un réel cadre de codéveloppement.
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Brahim Fassi Fihri, président et cofondateur de l’Institut Amadeus.
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