Cameroun : que le calvaire d’Éric Lembembe ne soit pas vain !

Le journaliste Éric Lembembe défendait les droits des homosexuels. © AP/SIPA

Le journaliste Éric Lembembe défendait les droits des homosexuels. © AP/SIPA

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  • Georges Dougueli

    Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.

Publié le 26 juillet 2013 Lecture : 2 minutes.

Il s’appelait Éric Lembembe. Son corps sans vie a été retrouvé le 15 juillet dans son appartement de Yaoundé, sauvagement torturé au fer à repasser et battu jusqu’à ce que mort s’ensuive. Lui qui défendait les homosexuels devant les tribunaux – ils risquent cinq ans de prison au Cameroun – n’a eu personne pour plaider sa cause. Un mystérieux bourreau lui a infligé une mort atroce. Une façon de « finir le travail » de ceux qui avaient incendié, en juin, le siège de son ONG, qui offrait des soins aux homosexuels infectés par le sida.

Cette année, le jeune militant est la seconde victime du délire homophobe qui a saisi une partie de la population camerounaise. En janvier, un commerçant de Maroua, dans l’Extrême-Nord, a lui aussi été battu à mort – par une foule furieuse qui le soupçonnait d’homosexualité.

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Les mois passent, mais l’étrange fièvre ne baisse pas. Inutile de compter sur la presse. Au contraire, elle prend parti, parlant de « déviances » et prônant la « normalité » hétérosexuelle, faisant fi des violences infligées aux victimes. Quant aux intellectuels, ils détournent le regard et se taisent pendant que la société bascule, déshumanisant une catégorie de citoyens abandonnée à la vindicte populaire à cause de ses préférences sexuelles.

Des gens ordinaires se disent homophobes et fiers de l’être, comme si cette intolérance était – par contraste – un gage de virilité. Sans perspectives d’emploi, les jeunes croient combattre un réseau de connivence permettant aux médiocres de trouver du travail ou de gagner de l’argent en monnayant leur corps à des personnes de même sexe. Comme s’ils réservaient aux seuls hétérosexuels le droit de négocier leurs charmes par intérêt.

Au nom d’une culture africaine d’un autre temps et d’une prétendue morale religieuse, des ecclésiastiques oublient de balayer devant leur porte et dénoncent des pratiques jugées « contre nature ». De prêches en homélies, ils encouragent la méfiance officielle et entretiennent l’homophobie comme si elle était une preuve de foi.

Redoutant le rejet d’un électorat qu’ils croient intransigeant sur la question, les politiques jouent la prudence. « Les esprits peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre. Il ne faut pas désespérer », a déclaré le président, Paul Biya, en janvier. Traduction : l’homosexualité est un délit et pourrait le rester encore longtemps. On ne le dira jamais assez : l’État n’est pas à sa place dans les chambres à coucher d’adultes consentants. Une loi pénale qui discrimine contrevient au droit. Le législateur doit avoir le courage d’arrêter le massacre. « Trop de prudence est un risque supérieur à l’audace », leur dirait le philosophe français Raphaël Enthoven.

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