Bénin : psychose au Palais

Depuis qu’il a fait l’objet d’une tentative présumée d’assassinat, le chef de l’État, Boni Yayi, écarte toute personne soupçonnée d’être liée au principal suspect, l’homme d’affaires Patrice Talon. Et s’isole.

Boni Yayi à Bruxelles en mai 2013. © GEORGES GOBET / AFP

Boni Yayi à Bruxelles en mai 2013. © GEORGES GOBET / AFP

Fiacre Vidjingninou

Publié le 29 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

« Yayi s’est beaucoup replié sur lui-même en consultant davantage de membres de sa famille et de son ethnie nagô », explique un proche du chef de l’État béninois qui s’est soudainement vu interdire l’accès à la résidence présidentielle du quartier Cadjehoun. Une forteresse désormais, avec des mesures de sécurité particulièrement renforcées ces derniers mois.

À l’origine de ce repli, l’homme d’affaires Patrice Talon. Depuis octobre 2012, l’ancien ami du président est accusé d’avoir voulu l’empoisonner avec la complicité de Zoubérath Kora-Séké, la nièce de Boni Yayi, et d’Ibrahim Mama Cissé, son médecin personnel. Il est également soupçonné d’avoir tenté un coup d’État, fin février, avec le colonel de gendarmerie Pamphile Zomahoun, un ancien officier de la garde présidentielle. Le non-lieu prononcé en mai vient d’être cassé en appel pour Talon et l’un de ses coaccusés, Olivier Boko. L’affaire est désormais portée par le procureur de la République et les avocats du chef de l’État devant la Cour de cassation. Enfermé dans ce qui s’apparente à de la paranoïa, Boni Yayi a donc décidé de n’écouter que les personnes en qui il place une confiance absolue.

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Chef d’orchestre de ce resserrement, Amos Elègbè, 65 ans, est considéré comme l’éminence grise du chef de l’État – après l’avoir combattu à la présidentielle de 2006 en soutenant le candidat Antoine Idji Kolawolé. Conseiller aux affaires politiques depuis 1991, il confie volontiers être le « propriétaire du titre foncier du palais de la Marina [la présidence béninoise] ». Celui qui converse en nagô avec Boni Yayi est, notamment, le principal artisan de la révision constitutionnelle. Il propose également les nominations en Conseil des ministres.

Famille présidentielle

Derrière Elègbè gravitent depuis plusieurs années d’autres membres de la famille présidentielle, dont l’influence ne cesse de croître. Ainsi en est-il d’Adam Bagoudou, cousin de Boni Yayi, intendant du Palais depuis 2006 chargé du financement des milieux politiques. Il y a aussi Désiré Kotchoni (arrivé la même année que Bagoudou), neveu et valet du chef de l’État, cité dans plusieurs affaires de corruption, dont celle de la construction du port sec de Tori Cada. Sans oublier Chabi Yayi, fils cadet issu de son premier mariage. Responsable officieux de la communication du patron, il gère les relations avec la presse et certains réseaux. Il est d’ailleurs le principal instigateur du Cercle d’action des jeunes pour l’avenir de la refondation, le Cajar. Pressenti pour être candidat aux prochaines législatives, il vient de lancer une campagne d’explication des réformes de la nouvelle proposition constitutionnelle. Quant à Nassirou Yayi, arrivé en 2010, et à Rachelle Yayi, en poste depuis un an, frère et soeur de Chabi, ils sont aujourd’hui respectivement secrétaire général du Conseil présidentiel d’investissement et secrétaire particulière du président. C’est Rachelle qui gère l’agenda de son père.

Ce premier cercle a davantage l’oreille du président que les ministres et anciens proches, mis sur le banc de touche car soupçonnés d’avoir côtoyé de trop près Patrice Talon. Cas le plus spectaculaire, celui de Bachirou Adjani Sika, qui était le principal garde du corps du président. On lui reproche d’avoir vu l’homme d’affaires peu de temps avant la supposée tentative d’empoisonnement. Une relation qu’il revendique : « [Patrice Talon] est tout pour moi ! Si je dois le revoir, je le reverrai », aurait-il déclaré au chef de l’État. « Yayi s’est rendu compte que tous les arcanes du pouvoir ont été infectés par Talon, confirme un conseiller du président. Il se sent en danger, ce qui explique ce repli. »

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S’agit-il des prémices d’une dérive sectaire qui pourrait déstabiliser le pays ? « Le danger réside dans le choix clanique, nous glissons peu à peu vers une "démocrature". Le président est un homme de plus en plus seul », analyse Raoul Mamfongnon, chroniqueur à Nord-Sud Quotidien.

>> Lire aussi : Bénin : Boni Yayi et l’affaire des poisons

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