Football : le président du club de Naples « ne veut plus de joueurs africains »
Aurelio De Laurentiis a annoncé qu’il n’engagera plus de joueurs africains, sauf s’ils acceptent de renoncer à participer à la Coupe d’Afrique des nations. Une déclaration polémique qui relance un vieux débat.
« Ce qu’a dit le président de Naples, je suis prêt à parier que d’autres le pensent, mais n’osent pas l’affirmer ouvertement », suppose un agent de joueur de football sous le couvert de l’anonymat. Il réagit aux propos polémiques qu’a tenus Aurelio De Laurentiis, président depuis 2004 de Naples – l’un des meilleurs clubs italiens – dans une interview au site économique Wall Street Italia.
« Ne me parlez plus des Africains. Je leur veux du bien, mais je ne les ai jamais à disposition. Je n’en prendrai plus tant que la CAN [Coupe d’Afrique des nations] sera organisée au milieu de la saison, sauf s’ils signent un papier disant qu’ils renoncent à y participer. Sinon, on se retrouve comme des idiots à les payer pour qu’ils aillent jouer ailleurs », a pesté Laurentiis.
Sélection nationale
Lors de la dernière CAN, organisée au Cameroun en janvier et février, Naples avait dû se passer du Sénégalais Kalidou Koulibaly et du Camerounais Frank Zambo-Anguissa. Récemment transféré à Chelsea (Angleterre), Koulibaly a répondu à distance à son ancien employeur.
« Personne ne m’a jamais demandé de renoncer à la CAN. Et personne ne peut m’interdire de jouer pour ma sélection nationale. Défendre les couleurs de son équipe nationale est la chose la plus importante qui soit. Les gens doivent faire preuve d’un peu plus de respect », a prévenu le capitaine des Lions de la Teranga.
Problème météorologique
La sortie médiatique de l’homme d’affaires italien intervient quelques semaines après que la Confédération africaine de football (CAF) a annoncé le report de la CAN. Prévue pour juin et juillet 2023 en Côte d’Ivoire, elle a été décalée à janvier et février 2024 afin que la météo soit plus clémente.
En 2017 pourtant, la CAF avait décidée que sa compétition phare aurait lieu en juin et juillet pour s’aligner sur les autres confédérations et éviter les conflits avec les clubs européens, dont certains supportaient de moins en moins de voir leurs internationaux africains s’absenter plusieurs semaines en pleine saison.
Mais, hormis en 2019 quand la CAN s’est disputée en Égypte en juin et juillet, le retour à l’ancienne règle semble acté, au moins temporairement. « Tant que la CAN aura lieu dans des pays où il est difficile de jouer en juin et juillet, elle sera organisée en janvier et février, et cela fera débat, comme c’est le cas depuis des années. Il n’y a réellement que dans les pays d’Afrique du Nord ou en Afrique du Sud qu’on peut joueur en juin et juillet. Je pense que la CAF, la Fifa et les clubs doivent discuter de ce problème de calendrier », souligne le gardien international camerounais Carlos Kameni.
Pressions des clubs
L’ancien joueur de l’Espanyol Barcelone et de Malaga ne se dit pas choqué par les propos d’Aurelio De Laurentiis. « On peut le comprendre : il n’est jamais facile pour un club de voir plusieurs de ses joueurs partir en pleine saison disputer une compétition avec leur sélection nationale. Laurentiis sait parfaitement qu’en recrutant des joueurs africains, ceux-ci peuvent être sélectionnés pour disputer une CAN. Il ne fait pas preuve de mauvaise foi, il donne juste son avis, et il n’est pas le seul à penser ainsi », poursuit Kameni.
À l’approche de chaque phase finale de la CAN, il n’est pas rare que des clubs fassent plus ou moins pression sur des joueurs pour tenter de les dissuader de participer au tournoi. Souvent sans succès. « Après la CAN 2008, je devais signer à Tottenham (Angleterre), et on m’a demandé si je comptais disputer la CAN 2010 en Angola. J’ai répondu par l’affirmative, et je n’ai jamais rejoint Tottenham », précise Kameni.
Une CAN tous les quatre ans ?
Le Français Patrice Neveu, sélectionneur du Gabon, dont la quasi-totalité des internationaux évoluent en Europe, s’avoue surpris par les déclarations du dirigeant napolitain, « tout simplement parce que ce problème n’est pas nouveau ». « Il faut, dit-il, parvenir à trouver une harmonisation des calendriers internationaux. On peut entendre les [arguments des] clubs européens, il faut aussi que ces derniers tiennent compte des réalités africaines, notamment celle des saisons qui peuvent, dans certaines parties du continent, rendre la pratique du football compliquée à certaines périodes de l’année. »
Le technicien craint que ce sempiternel débat ne finisse par « inciter la CAF à faire jouer la CAN tous les quatre ans » comme le souhaite la Fifa, une hypothèse majoritairement rejetée par les acteurs du football africain et les supporters, très attachés au format actuel.
« L’idéal serait de continuer à disputer la CAN tous les deux ans, car le football africain en a besoin pour sa visibilité internationale, et le plus souvent possible en juin et juillet », espère Saïd Ali Athouman, le président de la fédération comorienne.
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