Braconnage : Ali Bongo joue les trompe-la-mort
Le président Bongo Ondimba a déclaré la guerre aux braconniers. Une traque difficile, alors que les frontières sont poreuses et que les autorités locales sont parfois sensibles aux sirènes de la corruption…
«Nous sommes attaqués ! » a lancé le président gabonais Ali Bongo Ondimba dans un vibrant plaidoyer en faveur d’une mobilisation mondiale contre le braconnage, le 31 mai à Marrakech. Le chef de l’État, qui cherche à se positionner comme un défenseur de la nature à travers le plan « Gabon vert », l’un des piliers de son mandat, a lancé dès 2009 une politique ambitieuse de préservation de la faune sauvage. À titre d’exemple, il a fait brûler 5 tonnes d’ivoire en juin 2012 – une première en Afrique centrale.
>> Lire : Braconnage en Afrique : éléphants sans défense
Longtemps considérée comme l’un des derniers sanctuaires pour les éléphants en Afrique centrale, la forêt gabonaise n’est en effet plus épargnée. En dix ans, plus de 20 000 pachydermes – soit un tiers du cheptel gabonais – ont été massacrés pour alimenter le commerce illégal d’ivoire. « La plus grande menace à laquelle nous sommes confrontés, c’est le braconnage transfrontalier dans le nord-est du pays, notamment dans le parc de Minkébé », explique le Pr Lee White, secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN).
Complicités des Gabonais dans le braconnage
Les braconniers camerounais, tchadiens ou centrafricains, avec la complicité de Gabonais, profitent de la porosité de la frontière avec le Cameroun. « Ils sont bien armés, et le territoire – une forêt dense et inhabitée – est très difficile à contrôler », reconnaît Lee White. Au coeur du dispositif de lutte, l’ANPN dispose d’un budget annuel de 3,7 milliards de F CFA (5,64 millions d’euros), selon la loi de finance 2013, et a déployé près de 600 écogardes dans les treize parcs nationaux que compte le Gabon. En juin, une unité de marines américains est même venue former gendarmes et écogardes à « la navigation en forêt et à la traque criminelle sur les cours d’eau », selon l’ANPN.
Cependant, les obstacles à la protection des éléphants restent nombreux. Les ONG dénoncent régulièrement des complicités entre écogardes et braconniers. « Quand on gagne 200 000 F CFA par mois, la tentation d’obtenir quelques millions facilement est énorme », explique Sebastiaan Verhage, directeur de programme au World Wildlife Fund (WWF) Gabon. La corruption des autorités locales constitue également un frein important à la lutte antibraconnage. « La volonté politique de la présidence ne se reflète pas toujours chez les gouverneurs ou les préfets », poursuit Verhage. En décembre, le préfet de l’Okano (Nord) a écopé de sept mois ferme pour avoir commandité un trafic d’espèces protégées, à l’issue d’un procès qui avait valeur d’exemple. Pour Luc Mathot, président de Conservation Justice, association très active dans la lutte contre le braconnage, le problème ne pourra pas être résolu tant que les sanctions ne seront pas renforcées. « Au Gabon, un braconnier peut exporter 100 tonnes d’ivoire, car il sait qu’il ne risque rien : la peine maximale pour le trafic des espèces intégralement protégées est de six mois ferme – contre cinq ans au Congo, souligne-t-il. Si vous croyez que c’est dissuasif… »
>> Lire : Le Gabon, nouveau repaire du braconnage
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