Centrafrique : grand bazar à Bangui

Michel Djotodia, l’ex-chef rebelle de la Séléka, a bien du mal à maîtriser ses troupes. Dur, dur d’être président en Centrafrique…

Michel Djotodia (à dr.) ici le 14 juin à Libreville, au Gabon. © STEVE JORDAN/AFP

Michel Djotodia (à dr.) ici le 14 juin à Libreville, au Gabon. © STEVE JORDAN/AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 22 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Les Banguissois sont à bout. Depuis trois mois et demi, ils vivent dans la peur continue des braquages et des pillages. Le 28 juin, leur colère a explosé. Ce jour-là, les habitants du quartier Gobongo ont découvert le corps de l’un des leurs, un étudiant de l’École nationale des arts. La veille, il avait été enlevé en plein cours par des éléments de la Séléka, la coalition qui a pris le pouvoir le 24 mars. Émeute, répression, et même tirs à l’arme lourde ! Bilan : six morts. Ce soir-là, confie l’un de ses proches, « Michel Djotodia [leader de la Séléka] a été secoué. L’ancien chef rebelle a enfin compris qu’il était président et que les problèmes avaient changé de dimension. »

La tranquilité revient en Centrafrique

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Le 28 juin a-t-il été un déclic ? Depuis cette date, de solides patrouilles mixtes de la Séléka et de la Force multinationale de l’Afrique centrale (Fomac) – épaulées par des commandos français – sillonnent les rues de la capitale centrafricaine. « Les grands axes ont été libérés de tous les éléments incontrôlés, et la quiétude commence à revenir », témoigne un habitant du centre-ville. À la vue de ces convois surarmés, nombre de malfrats détalent sous les rires des Banguissois, en abandonnant quelquefois leurs armes. Selon la Fomac, plusieurs centaines de fusils automatiques ont pu ainsi être récupérés. Mais il reste une question : qui commande la Séléka ?

Le 30 juin, le président de la transition, Michel Djotodia, a fait acte d’autorité. Il a limogé et fait arrêter le général Mohamed Dhaffane, ministre des Eaux et Forêts, qui avait eu l’imprudence de dénoncer le chaos ambiant et de réclamer un « dialogue inter-Séléka ». Il y a encore quelques semaines, le commandant de la Fomac, le général gabonais Jean-Félix Akaga, n’avait pas d’interlocuteur à la Séléka. Aujourd’hui, il en a trouvé un : le général Ibrahim – un ex-rebelle qui parle le français et l’arabe, et semble respecté de la troupe. Mais à Bangui, de petits chefs de guerre continuent d’occuper des casernes et de se comporter en électrons libres. Et en province, des officiers de la Séléka se sont partagé les préfectures comme des parts de gâteau. Du temps de François Bozizé, les taxes prélevées aux trois postes-frontières avec le Cameroun représentaient 80 % des recettes fiscales du pays. Aujourd’hui, cette manne – quelque 7 milliards de F CFA (10,6 millions d’euros) par mois – est confisquée par les trois seigneurs de la guerre qui se sont réparti ces tiroirs-caisses…

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Plus de soldats pour soutenir la Centrafrique

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« Pas assez d’hommes, pas assez d’argent », soupire en privé un officier de la Fomac… Depuis le 8 juillet, son chef, le général d’aviation Jean-Félix Akaga, peut souffler un peu. Lors d’une réunion à Addis-Abeba, Nicolas Tiangaye, le Premier ministre, a obtenu de la communauté internationale deux promesses : la création d’un fonds fiduciaire pour financer la reconstruction du pays et le renforcement des forces africaines. La Fomac – quelque 1 300 hommes actuellement – pourrait passer à 3 500 soldats et policiers sous la nouvelle bannière de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca). Michel Djotodia a dix-huit mois pour préparer une élection présidentielle à laquelle il a promis de ne pas se présenter. Tiendra-t-il parole ? Sur la colline qui surplombe la capitale, au camp de Roux, il vient de renforcer sa garde rapprochée avec l’aide de son frère cadet, le général Justin Hassane, et d’une vingtaine d’agents très spéciaux d’une société de sécurité privée dirigée par un ex-soldat commando de l’armée française, Jérôme Gomboc.

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