Égypte : ces personnalités au coeur de la transition

Mohamed Morsi a été renversé le 3 juillet par l’armée, sous la pression de millions d’opposants dans la rue. Mais certaines personnalités ont joué un rôle de premier plan dans la transition égyptienne. Portraits.

Les acteurs de la transition égyptienne. © AP/SIPA/AFP

Les acteurs de la transition égyptienne. © AP/SIPA/AFP

Publié le 23 juillet 2013 Lecture : 6 minutes.

Abdel Fattah al-Sissi : le chef

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Abdel Fattah al-Sissi a participé à la destitution
de Mohamed Morsi. © Jim Watson/AP/Sipa

Lorsqu’il a été nommé commandant en chef des forces armées en août 2012, tout le monde pensait qu’Abdel Fattah al-Sissi, qui passe pour pratiquer un islam conservateur, était proche des Frères musulmans. Mais en acceptant de destituer Mohamed Morsi, issu de la confrérie, il a montré qu’il n’en était rien. Officiellement, tout se passait bien entre les deux hommes. Pourtant « Sissi a diffusé au sein de l’institution un discours anti-Frères », estime Zeinab Aboul Magd, professeur d’histoire à l’université américaine du Caire.

Ce père de quatre enfants, âgé de 58 ans, a un profil et un style très différents de ceux du maréchal Hussein Tantawi, son prédécesseur – qui avait dirigé la première période de transition après la chute de Hosni Moubarak. « Ce sont deux générations, deux formations différentes. Tantawi a reçu une éducation soviétique, il n’avait pas d’expérience en ce qui concerne la communication avec les civils », précise Aboul Magd. De son côté, l’ancien patron de la Direction des renseignements militaires, formé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, semble beaucoup plus à l’aise dans un rôle politique. « Tantawi paraissait arrogant et déconnecté des réalités. Sissi connaît le sentiment de la rue », affirme Springborg, professeur à l’école navale américaine (en Californie).

Très populaire auprès des officiers, Sissi prendrait ses décisions de manière collégiale au sein du Conseil suprême des forces armées (CSFA). « La responsabilité est trop lourde pour qu’il se permette d’agir seul », affirme Aboul Magd. Deux de ses adjoints, qui faisaient déjà partie du CSFA lors de la première transition, pourraient jouer un rôle important dans les mois à venir : le général Mamdouh Chahine, spécialiste des questions constitutionnelles et juridiques, et le général Mohamed al-Assar, chargé de l’armement et des relations avec les États-Unis. L’intervention de Sissi dans la vie politique n’est cependant pas pour plaire aux révolutionnaires. En avril 2011, il avait été le premier à reconnaître et justifier la pratique de « tests de virginité » sur les manifestantes arrêtées. Une procédure destinée « à protéger les filles du viol et les soldats des accusations de viol », avait-il expliqué. T.G.G.

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Mohamed Morsi : l’absent

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Mohamed Morsi n’a pas su se pencher sur les
chantiers importants de l’Égypte. © Odd Andersen/AFP

Où est le président déchu ? Peu semblent en mesure de le dire. Selon Mohamed Kamel Amr, ministre des Affaires étrangères démissionnaire, Mohamed Morsi, 61 ans, est « en lieu sûr » et « traité avec dignité ». Aucune charge n’a pour l’instant été retenue contre lui.

Pour précipité qu’il soit, son départ résulte néanmoins d’un échec indiscutable. Devenu chef de l’État presque par hasard, à la place de Khairat el-Shater (le numéro deux des Frères musulmans, dont la candidature avait été invalidée), l’islamiste n’a pas su convaincre. Son gouvernement n’a pratiquement ouvert aucun chantier et les quelques dossiers urgents qu’il a eu à gérer, de l’adoption de la Constitution à l’organisation des élections législatives, n’ont ni rencontré le soutien de la population, ni fait taire l’opposition.

Surtout, le président – lui-même toléré mais jamais admis par les militaires – n’a pas davantage su faire accepter ses hommes. Le personnel du ministère de la Culture est en grève depuis la mi-mai contre son ministre, et au sein des gouvernorats les nominations ont souvent été mal acceptées. Une expérience dont les Frères devront tirer les leçons, quel que soit leur avenir politique. G.A.F.

Hazem al-Beblawi : le banquier

Hazem al-Beblawi a été ministre des Finances au sein
du premier gouvernement, en 2011. © Gérard Julien/AFP

Hazem al-Beblawi, 76 ans, n’est que le quatrième choix pour le poste de Premier ministre : avant lui ont été proposés Ziad Bahaa Eldin, avocat de centre gauche, Samir Radwan, comme lui ancien ministre des Finances, et surtout Mohamed el-Baradei, finalement nommé vice-président. Avec ce dernier, le nouveau chef de gouvernement a plusieurs points communs, dont une carrière internationale, réalisée en partie au sein des Nations unies. Économiste, francophone – il a obtenu son doctorat à la Sorbonne à Paris -, ce social-démocrate a occupé des postes à responsabilité à la Banque industrielle du Koweït, puis à la Banque égyptienne pour le développement des exportations, avant de devenir secrétaire exécutif de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, un organisme onusien.

Lorsque la révolution égyptienne éclate, en 2011, il est depuis dix ans conseiller au Fonds monétaire arabe, à Abou Dhabi (Émirats arabes unis). Son absence de la scène politique sous l’ère Moubarak lui permet d’être nommé, en juillet 2011, ministre des Finances au sein du premier gouvernement composé de personnalités n’ayant pas coopéré avec l’ancien régime, dirigé par Essam Charaf. Il démissionne cependant quelques mois plus tard, en octobre, après la sévère répression par les forces de sécurité des manifestations de Maspero (au Caire), lors desquelles 25 personnes, essentiellement des chrétiens coptes, ont trouvé la mort.

Cofondateur du Parti social-démocrate égyptien (membre observateur au sein du Parti socialiste européen), Beblawi est un homme de centre gauche. En tant que chef du gouvernement, il devra néanmoins faire cohabiter des opinions diverses, en particulier celles des libéraux et des islamistes – s’il parvient à les convaincre de rejoindre son équipe. G.A.F.

Adly Mansour : le juge

Adly Mansour a été conseiller juridique avant de
devenir chef de l’État par intérim. © Amir Nabil/AP/Sipa

Adly Mansour ne présidait la Haute Cour constitutionnelle que depuis trois jours lorsqu’il est devenu chef de l’État par intérim. Rien ne préparait ce diplômé de droit et de gestion, âgé de 67 ans et père de trois enfants, à exercer un jour une fonction politique. Hormis un passage en France, à l’École nationale d’administration (ENA), et en Arabie saoudite, où il a été conseiller juridique pour le ministère égyptien du Commerce pendant sept ans, Mansour a fait toute sa carrière en Égypte, surtout au sein du Conseil d’État puis de la Haute Cour constitutionnelle. Il lui reviendra de gérer le pays jusqu’à la tenue d’élections législatives et présidentielle. Une lourde tâche, dont il a commencé à mesurer les difficultés : le choix d’un Premier ministre s’est révélé laborieux, et sa déclaration constitutionnelle, publiée le 8 juillet, a été retoquée par les libéraux comme par les salafistes.  G.A.F.

Mohamed el-Baradei : la caution morale

Mohamed el-Baradei a reçu le prix Nobel
de la paix en 2005. © Nasser Nasser/AP/Sipa

Depuis son retour triomphal en 2010, Mohamed el-Baradei est l’homme providentiel vers qui on se tourne quand rien ne va, mais que l’on oublie une fois la situation sous contrôle. Le mouvement révolutionnaire Tamarod le voulait pour Premier ministre ; l’ex-directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, âgé de 71 ans, a finalement été désigné vice-président le 9 juillet.

Après s’être engagé contre Hosni Moubarak, à la tête de l’Association nationale pour le changement puis du parti Al-Dostour, ce père de deux enfants a pris la tête de l’opposition à Mohamed Morsi, notamment à travers le Front du salut national (coalition de partis non religieux). Discret, le Prix Nobel de la paix est jugé peu charismatique et coupé du peuple. En janvier 2012, il s’était retiré de la course présidentielle, refusant d’occuper un poste officiel « tant qu’il n’y [aurait] pas de véritable démocratie ». Lui qui déclarait en mars 2013 qu’il n’était pas favorable à une prise de contrôle des militaires a apporté son soutien à l’armée. « C’était une décision difficile, a-t-il expliqué à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Sans le renversement de Morsi, nous nous serions dirigés vers un État fasciste, ou une guerre civile. » 

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