Maroc-France : un visa pour la colère

Depuis septembre 2021, la France a durci drastiquement les conditions d’octroi de visas aux ressortissants maghrébins. Une mesure largement incomprise des Marocains, qui ont le sentiment de faire les frais d’une crise diplomatique.

Pour les ressortissants marocains – et maghrébins –, y compris ceux qui ont des attaches en France, obtenir un visa pour l’Hexagone ressemble depuis septembre 2021 à un chemin de croix. © FADEL SENNA / AFP

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Publié le 9 août 2022 Lecture : 6 minutes.

Un sentiment « d’humiliation » : le terme est sur toutes les lèvres. Au Maroc, les témoignages fusent sur les réseaux sociaux pour interpeller la diplomatie française face au nombre croissant de refus de demandes de visa essuyés par les ressortissants du royaume.

« Je suis privé du droit au voyage, qui est pourtant fondamental », explique Sofiane, qui a lui-même partagé sa colère sur Twitter. Père de deux filles françaises, il a vécu quinze ans en France et souhaitait s’y rendre avec ses enfants durant les congés estivaux. C’est la quatrième fois qu’il demande un visa Schengen de courte durée, et la première fois que celui-ci lui est refusé.

Raison invoquée : il n’aurait pas correctement justifié le motif de son voyage. Sofiane a pourtant présenté au consulat sa réservation d’hôtel, ainsi que celle de son billet d’avion. Malgré un premier recours au consulat de Casablanca, un deuxième à l’ambassade de France au Maroc et un dernier à la commission de refus de visa de Nantes, Sofiane a renoncer à son voyage, et ses deux filles mineures à voir leur famille en France. « Les États font parfois des calculs diplomatiques qui impactent directement leurs propres citoyens, comme mes enfants », explique-t-il avec amertume.

La difficulté à obtenir un visa s’est accrue depuis septembre 2021, lorsque le gouvernement français a décidé de réduire de moitié le nombre de sésames accordés à l’Algérie et au Maroc, et de 30 % à la Tunisie. Cette mesure visait à faire pression sur les gouvernements des trois pays pour que ceux-ci accordent plus de laissez-passer consulaires à leurs ressortissants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion.

« C’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France », avait alors expliqué l’ancien porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal au micro d’Europe 1. Lors de sa visite au Maroc en octobre 2020, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin avait évoqué le cas des mineurs marocains isolés présents sur le territoire français.

Dix mois après sa mise en œuvre, la politique française sur les visas au Maghreb est toujours en vigueur, même si son efficacité a été contestée par le ministère de l’Intérieur lui-même. Faire pression en limitant le nombre de visas délivrés, « ça ne marche pas toujours aussi bien que ça », admettait ainsi Gérald Darmanin sur le plateau de BFM TV le 26 juillet.

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