Djilali Hadjadj : « En Algérie, les organismes anticorruption sont des gadgets »
L’Algérie est très mal classée dans le dernier baromètre mondial de Transparency International. Pour le représentant local de l’ONG Djilali Hadjadj, cela n’a rien d’étonnant.
Dans un rapport publié le 9 juillet, la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, organisme rattaché à la présidence algérienne, s’est alarmée de la corruption, qui, selon elle, a atteint des « proportions insupportables » et « dégrade l’image » du pays. Le même jour, l’édition 2013 du baromètre mondial de Transparency International a classé l’Algérie 105e sur 107 pays sondés… Représentant de l’ONG à Alger et président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption, Djilali Hadjadj répond aux questions de J.A.
Jeune Afrique : Comment expliquer que deux organismes, l’un indépendant, l’autre gouvernemental, s’inquiètent de la montée de la corruption en Algérie ? Les lois ne manquent pourtant pas…
Djilali Hadjadj (ci-contre) : D’abord, au niveau mondial, l’Algérie a réussi, avec d’autres pays comme la Chine, à bloquer les mécanismes d’application de la convention des Nations unies contre la corruption. Ensuite, sur le plan intérieur, l’arsenal juridique mis sur pied depuis quatorze ans est inconsistant, inappliqué et non conforme aux normes internationales. Les organismes de lutte contre la corruption sont des gadgets, l’absence de volonté politique est flagrante. Songez que des mesures et des décisions qui favorisent la concussion dans l’octroi des marchés publics, comme les contrats de gré à gré, sont prises en Conseil des ministres !
Vous avez identifié le Panamá comme un paradis fiscal pour les corrompus algériens…
Nous savons que le Panamá est prisé par les multinationales chinoises, dont beaucoup ont obtenu d’importants contrats publics en Algérie. Avec des journalistes suisses, italiens et canadiens, des ONG, des magistrats et la gendarmerie royale du Canada, nous avons recueilli des informations qui laissent penser que des sommes issues de pots-de-vin ont été placées dans ce pays. Des responsables algériens seraient impliqués : le ministre des Travaux publics, des cadres de son ministère, l’ancien ministre de l’Énergie, des dirigeants des entreprises publiques Sonatrach et Sonelgaz… Le FBI a lui-même identifié le Panamá comme paradis fiscal lié à des affaires de corruption en Algérie. Les Américains nous ont indiqué qu’ils restent vigilants quant à l’usage de ces fonds, qui pourraient être détournés dans des circuits terroristes.
A-t-on une idée des sommes sorties d’Algérie et placées dans les paradis fiscaux ?
Elles dépasseraient 15 % du montant des marchés octroyés, c’est faramineux ! À titre d’exemple, la gendarmerie royale du Canada évalue à 1 milliard de dollars [765 millions d’euros] le montant des pots-de-vin empochés lors de l’attribution de marchés à SNC-Lavalin, lesquels représentent un total de 10 milliards de dollars sur dix ans.
>> Lire aussi : Algérie : pouvoir, chantage et corruption
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Propos recueillis par Farid Alilat
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