La démocratie est une savonnette
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 15 juillet 2013 Lecture : 2 minutes.
Commentaire lapidaire à propos de l’Égypte d’un collègue journaliste qui ne porte guère – doux euphémisme ! – les islamistes dans son coeur : « Oui, c’est un coup d’État et c’est très bien ainsi. Morsi a mis son pays en faillite et s’est comporté comme un dictateur. Je suis contre tous les régimes islamistes, démocratiquement élus ou pas. D’ailleurs, accoler les termes de démocratie et d’islamiste, c’est en soi une hérésie [sic] ! » Adeptes d’une vision du monde illustrée en son temps par un George W. Bush, pour ne citer que lui, les disciples de Mani ont la vie dure. Voici que s’ouvre le procès des Frères musulmans, ces horribles barbus déambulant le sabre entre les dents. Ils font si peur que certains n’hésitent pas à se jeter dans les bras supposés accueillants de militaires dont la réputation d’intégrité et de générosité n’est, comme l’on sait, plus à faire ! Ils ont la mémoire décidément bien courte.
Entendons-nous bien : je n’ai pas – vraiment pas – le profil d’un intégriste. Je ne partage pas leurs idéaux et condamne leurs pratiques. De même, je désapprouve l’existence de partis religieux en Iran, en Tunisie, en Israël ou ailleurs. Je crois à un État qui se préoccupe des citoyens et non des croyants. Et comme tout le monde, je constate que l’islamisme politique est partout un piteux échec. Mais un peu de pragmatisme n’a jamais fait de mal à personne. Ces gens-là sont incompétents et dangereux ? Soit, mais ils ne sont pas condamnés à le rester et pèsent d’un poids certain sur nos sociétés. Enfin, leurs électeurs n’ont pas disparu comme par enchantement. Alors, que faire ? Les vouer aux gémonies, les jeter en prison, les exclure du jeu politique ad vitam æternam ? Croit-on ainsi régler le problème ? Au contraire, le mal ne fera qu’empirer.
Au Caire comme à Tunis, il existe une autre solution pour apprivoiser cette démocratie qui a un peu trop tendance à jouer les savonnettes, pour mettre fin à l’incertitude, pour assurer la stabilité et le développement. Elle consiste à mettre provisoirement entre parenthèses controverses électorales et débats idéologiques. Et à installer des gouvernements d’union nationale ou de salut public rassemblant tous les partis, islamistes compris, mais aussi des représentants de la société civile. Objectif : s’attaquer aux vrais problèmes, ceux qui nourrissent les crises auxquelles nous assistons. Parmi ces derniers, on peut citer l’insécurité, l’emploi, la relance de l’économie et de l’investissement, la réforme de l’État, la décentralisation, la réduction des inégalités, le sauvetage du système éducatif… Peut-être faudrait-il aussi renoncer, pendant un temps, à tenir des élections qui se résument trop souvent à une guerre sans merci pour le pouvoir, que les uns s’empressent de confisquer et que les autres tentent de reconquérir par tous les moyens, fussent-ils les plus inacceptables. Rivalités stériles, médiocrités de toute nature, blocages institutionnels… Il faut à tout prix sortir de cette impasse.
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