Israël – Palestine : John Kerry ouvre une brèche
Fort de la totale liberté d’action que lui a donnée Barack Obama, le nouveau secrétaire d’État américain, John Kerry, ne ménage pas ses efforts pour relancer le processus de paix israélo-palestinien. Non sans résultats.
Qu’il paraît lointain le temps des accords d’Oslo, quand, au milieu des années 1990, négociateurs palestiniens et israéliens se rencontraient en tout lieu et à tout moment, sans conditions préalables ni pourparlers indirects, au point de devenir inséparables. Le dialogue israélo-palestinien a, depuis, largement perdu de sa spontanéité, confinant la diplomatie américaine, ces dernières années, au rôle de messager, bien souvent impuissant, entre les deux parties.
Sous le premier mandat de Barack Obama, chacune des visites de sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, au Proche-Orient était précédée par celle d’un émissaire spécial – à l’instar de l’infatigable George Mitchell -, de réunions préparatoires faisant l’objet d’interminables délibérés, comme si des concessions politiques se jouaient avant même qu’elles ne soient débattues par les protagonistes. Cette méthode, coûteuse en temps et en énergie, se révélera infructueuse. Pis, elle contribuera à ternir le bilan de la politique étrangère du président Obama.
Quelque chose a pourtant changé depuis sa réélection en novembre et, surtout, depuis la nomination de John Kerry en lieu et place de Hillary Clinton, comme si Washington avait trouvé son second souffle. Certes, avec cinq déplacements dans la région en l’espace de trois mois, le nouveau secrétaire d’État américain n’a pas tout à fait rompu avec la « diplomatie des navettes ». Mais son approche, visant avant tout à rétablir un climat de confiance entre Israéliens et Palestiniens, diffère de celle de ses prédécesseurs. « Nous travaillons dur », reconnaît lui-même l’intéressé. Entre Jérusalem, Ramallah et Amman, John Kerry multiplie les trajets en hélicoptère et n’hésite pas à chambouler son emploi du temps s’il considère que sa mission peut aboutir. Le 29 juin, il fait ainsi annuler un dîner prévu à Abou Dhabi sur l’aide à apporter aux rebelles syriens pour pouvoir s’entretenir une nouvelle fois avec Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas, qu’il avait déjà rencontrés la veille à deux reprises.
Thérapie
En trois jours, ses entretiens successifs avec le Premier ministre israélien et le chef de l’Autorité palestinienne auront duré près d’une dizaine d’heures. Signe de son dévouement presque sans limites, John Kerry privilégie des rendez-vous en tête à tête, à huis clos, allant jusqu’à refuser la présence de tiers à ses côtés. Bien que chargée du dossier palestinien, la ministre israélienne Tzipi Livni l’a appris à ses dépens en patientant longuement dans une pièce de l’hôtel David Citadel de Jérusalem – le 28 juin -, pendant que Netanyahou et Kerry discutaient des modalités de relance du processus de paix. De temps à autre, selon des témoins, un majordome lui faisait signe d’entrer dans la salle de réunion adjacente. D’où elle ressortait au bout de quelques minutes.
À l’image d’un psychologue, le secrétaire d’État américain est d’abord à l’écoute et, à chaque doute exprimé, il tente de rassurer son interlocuteur. « Avec Abbas et Netanyahou, il mène une sorte de thérapie de couple, même si les séances sont pour l’instant individuelles », relève l’éditorialiste politique du Haaretz, Barak Ravid. Quand il est interrogé sur sa méthode, John Kerry dit « avoir la diplomatie dans le sang » après vingt-huit années de loyaux services au sein de la commission des Affaires étrangères du Sénat. « Il croit au contact personnel, et son travail de défrichage est nécessaire pour relever un défi tel que la paix israélo-palestinienne », confirme Carol Giacomo dans les colonnes du New York Times.
Patience
Pour nombre d’observateurs, l’ancien candidat démocrate à la présidentielle accomplit sans pression mais avec détermination l’une des dernières missions de sa carrière politique. Au Proche-Orient, son leitmotiv se résume en deux mots : discrétion et efficacité. John Kerry évite sciemment les grandes annonces et ne se fixe guère d’échéance. « Ce qui compte, c’est qu’il y ait des progrès avant l’assemblée générale des Nations unies de septembre », plaide-t-il, comme pour s’éviter une cruelle désillusion.
Pour l’instant, aucune percée significative n’a été enregistrée. Il n’empêche, des rumeurs insistantes évoquent un retour imminent à la table des négociations, souhaité par le président palestinien Mahmoud Abbas. De son côté, Benyamin Netanyahou rejetterait toute condition préalable à la reprise du dialogue, en particulier le gel de la colonisation, mais aurait fait savoir qu’il serait disposé à évacuer 90 % de la Cisjordanie.
Si l’on considère que la patience est une vertu essentielle au Proche-Orient, Barack Obama a peut-être fait un choix judicieux en misant sur la personnalité et l’expérience de John Kerry. « Je sais que vous allez être un formidable secrétaire d’État », avait-il lancé à son protégé lors de son intronisation en janvier.
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