Tchad : Hissène Habré, du complot au cachot

Accusé de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de torture, Hissène Habré, l’ancien président tchadien se dit victime d’une conspiration. Une stratégie de défense qui n’a pas empêché son inculpation…

Lors de l’arrestation d’Hissène Habré, à Dakar, où il est en exil depuis 1990. © STRINGER / AFP

Lors de l’arrestation d’Hissène Habré, à Dakar, où il est en exil depuis 1990. © STRINGER / AFP

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Publié le 10 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Depuis les premières plaintes déposées contre lui à Dakar en janvier 2000, il avait fait voeu de silence. En treize ans et demi, Hissène Habré ne s’est exprimé qu’une seule fois sur la procédure judiciaire dont il fait l’objet. C’était en juillet 2011, alors que le président Abdoulaye Wade menaçait de l’extrader vers le Tchad – il se ravisa ensuite. Face à trois journalistes sénégalais de La Gazette, l’ancien dirigeant tchadien, parlant de lui à la troisième personne, avait donné un parfait exemple de ce qui est depuis le début sa stratégie de défense, récusant par avance la légitimité de ceux qui prétendent le juger.

Qualifiant les poursuites engagées contre lui de « complot à dimension politique et financière drapé dans le manteau d’une affaire judiciaire », il impliquait dans cette présumée cabale pas moins de six chefs d’État : Idriss Déby Itno, son successeur, les Français François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, le Sénégalais Abdoulaye Wade et le Libyen Mouammar Kadhafi.

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Se murant à nouveau dans le silence, Habré a par la suite laissé à ses avocats et aux nombreux fidèles qu’il compte au Sénégal le soin d’exprimer son mépris outragé. Le 22 janvier dernier, juste avant l’inauguration des Chambres africaines extraordinaires instituées par le Sénégal et l’Union africaine (UA) pour instruire son dossier, François Serres, son avocat français, adressait une lettre ouverte au président Macky Sall dans laquelle il accusait « le système judiciaire qui se met en place de faire du président Déby l’enquêteur en chef de ce procès ».

Pour Me El Hadj Diouf, le conseil sénégalais qui le défend depuis le premier jour, l’inculpation de son client relève de la « forfaiture ». Et de dénoncer derechef une vaste coalition d’« ennemis » soupçonnés d’être à la manoeuvre. Pour l’occasion, Fatimé Raymonde Habré, l’une des deux épouses de l’ancien président, a joint sa voix au choeur des indignés. Selon elle, les Chambres africaines extraordinaires ne seraient qu’« un comité administratif payé par Idriss Déby », et les plaintes déposées par les rescapés des geôles tchadiennes « une grosse opération de règlement de comptes, maquillée et présentée à l’opinion comme une lutte contre l’impunité ».

Défense autiste

Enfermée dans un système de défense autiste qui fait litière des nombreux témoignages, des charniers ou des archives exhumées à N’Djamena, la garde rapprochée de Hissène Habré continue d’élever son héros au rang de martyr de l’Occident impérialiste.

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Le 2 juillet, au terme d’un feuilleton politico-judiciaire qui aura duré plus de treize ans, impliquant successivement les justices sénégalaise et belge, l’UA et la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Habré a fini par être inculpé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture, à la grande satisfaction des victimes et des organisations de défense des droits de l’homme qui se sont mobilisées sur ce dossier. Après avoir refusé de répondre aux questions du magistrat, l’ancien chef de l’État, qui encourt une peine de trente ans de réclusion pouvant aller jusqu’à la perpétuité, attend dans une chambre du pavillon carcéral de l’hôpital Le Dantec de Dakar le résultat de son ultime recours, introduit en avril devant la Cour de justice de la Cedeao : sans surprise, il vise à faire constater l’incompétence des Chambres africaines extraordinaires.

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