Sophie Bessis : « Kaïs Saïed est en rupture avec l’histoire de la Tunisie »

Plus d’un mois après le référendum sur la Constitution, l’historienne franco-tunisienne analyse le virage impulsé par Kaïs Saïed.

« Nettoie le pays, le peuple est avec toi », peut-on lire sur cette affiche brandie par un partisan du président Kaïs Saïed, lors du 11e anniversaire de la révolution à Tunis, le 17 décembre 2021. © Yassine Mahjoub/AFP

Publié le 15 août 2022 Lecture : 8 minutes.

Auteure de L’Histoire de la Tunisie de Carthage à nos jours (Tallandier, 2019), Sophie Bessis est aussi une observatrice attentive de l’actualité tunisienne. L’historienne franco-tunisienne, qui a été membre en 2011 de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, revient sur la Constitution élaborée par le président Kaïs Saïed et validée par référendum le 25 juillet 2022.

Un an après que le chef de l’État s’est arrogé tous les pouvoirs et fait table rase de dix ans de transition, Sophie Bessis analyse l’initiative de Kaïs Saïed, les risques que comporte la Constitution qu’il a fait promulguer et la manière dont le populisme s’est engouffré dans les brèches du processus de démocratisation en cours. Autant de faits qui place la Tunisie dans une position aussi alarmante qu’inattendue, préambule d’un avenir incertain.

Jeune Afrique : La Tunisie vient d’adopter une nouvelle Constitution qui accorde des pouvoirs étendus au chef de l’État. Comment la démocratie a-t-elle pu passer à la trappe aussi rapidement ?

Sophie Bessis : C’est une rupture avec le monde politique, aussi bien pré-révolutionnaire que post-révolutionnaire, dont Kaïs Saïed n’est pas issu. Le candidat, étiqueté hors système et totalement inconnu avant 2011, a méthodiquement posé, depuis qu’il a été élu en 2019, les jalons de sa prise de pouvoir. Il a bénéficié pour ce faire du désenchantement des Tunisiens après dix ans de révolution et de l’essoufflement du processus de démocratisation.

Sa rhétorique populiste a pu être populaire car la marche vers la démocratie parlementaire instaurée par la Constitution de 2014 a dérivé vers une partitocratie vulgaire avec des partis travaillant pour leurs intérêts exclusifs sans prendre en charge les problèmes qui se posent à la Tunisie. Malheureusement, devant ce spectacle, les Tunisiens ont incriminé non pas le dévoiement du processus mais la démocratie elle-même en estimant qu’elle ne leur avait apporté que des problèmes.

Le cheminement démocratique est un long travail. Il connaît toujours des avancées et des moments de régression. L’alignement des planètes était donc favorable à l’émergence d’une personnalité comme Kaïs Saïed.

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