Vous avez dit hiver islamiste ?

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 8 juillet 2013 Lecture : 2 minutes.

N’en déplaise aux nombreux Cassandre qui se réjouissaient de l’enlisement du Printemps arabe sur l’air bien connu de « on vous avait prévenus », l’Histoire ne s’est pas arrêtée. L’antienne, serinée ici et là, de l’hiver islamiste – entendez l’arrivée au pouvoir des religieux et la confiscation de la révolution -, tellement prévisible dès lors qu’il s’agit de ces populations passées de héros à zéros en un tournemain et, pour certains donneurs de leçons, incapables de prendre leur destin en main, vient de sombrer dans le lit du Nil. Les révolutions ne se jugent qu’une fois achevées, et nous sommes loin de leur terme. L’euphorie n’est jamais bonne conseillère, la résignation ou le pessimisme non plus. Les sentences définitives sur ce monde arabe réputé docile, hier avec ses despotes « laïcs », aujourd’hui avec ses barbus triomphants, émanent d’un imaginaire collectif, occidental surtout, vautré dans la paresse intellectuelle. Être arabe serait, en quelque sorte, appartenir au bas de l’échelle de l’humanité. Être voué à l’échec, au coma profond. Mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort…

Les événements du Caire démontrent le contraire. Les Arabes vivent bel et bien leur renaissance (nahda), comme ce fut le cas, pour ceux qui l’auraient oublié ou qui n’en ont jamais entendu parler, au XIXe siècle. De la même manière qu’il était absurde d’imaginer que la chute de Ben Ali, Moubarak ou Kadhafi représentait un aboutissement, il est tout aussi aberrant de considérer que l’avènement de pouvoirs islamistes incapables de gérer ces États et mus par des velléités hégémoniques signait l’acte de décès d’un processus qui n’en est qu’à ses premiers balbutiements.

la suite après cette publicité

Peu importe, dans le cas de l’Égypte, la manière, les ambiguïtés, l’incertitude. Personne n’est dupe : l’institution militaire n’est pas cette entité vertueuse que l’on nous présente, qui ne se soucierait que du bien-être et des aspirations de son peuple. Ce qui compte, en revanche, c’est la mobilisation de centaines de milliers de citoyens à travers le pays. Leur vigilance, les risques qu’ils ont pris, leur capacité à s’unir pour dénoncer ce qu’ils ne pouvaient plus supporter : les innombrables promesses non tenues par les Frères, les tentatives de s’accaparer tous les leviers du pouvoir, l’indifférence permanente pour les questions liées aux libertés individuelles ou la volonté d’imposer, quitte à user du sabre, leur vision du Coran. Malgré les railleries des arabo-sceptiques, les révolutions ne sont pas de simples feux de paille. Elles ont réveillé les consciences politiques, démocratiques ou citoyennes. Au Caire, comme partout ailleurs en Afrique du Nord, rien n’est figé. C’est le lot de chaque mouvement de ce type. Avec ses hauts, ses bas, ses avancées et ses reculs, ses conquêtes et ses défaites. Méfions-nous des certitudes et des jugements hâtifs. Mais soyons honnêtes : nous assistons à un chapitre important de notre Histoire. Un chapitre qui est loin d’être achevé. Même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires