Algérie : ils font bien l’humour

Jeunes, beaux et ambitieux, ces quatre comiques algériens font rire des millions d’internautes… À quand la scène ?

Anes Tina rêve de se produire sur scène. © DR

Anes Tina rêve de se produire sur scène. © DR

FARID-ALILAT_2024

Publié le 12 juillet 2013 Lecture : 4 minutes.

Ils n’étaient pas encore nés quand Fellag faisait se tordre de rire ses compatriotes avec les sketchs Cocktail Khorotov et Babor Australia. C’était la fin des années 1980, l’Algérie sortait de trente années de parti unique et découvrait la liberté d’expression. Vingt ans et une décennie de terrorisme plus tard, cette nouvelle génération d’humoristes s’apprête à prendre la relève. Et elle se révèle du meilleur cru.

Certes, ils n’ont, à leur âge, ni la carrière ni la carrure de leurs aînés Fellag, Biyouna ou Athmane Ariouet, mais ces quatre « nouvelles stars » à peine sorties de l’adolescence n’en comptent pas moins des centaines de milliers de fans. Leur terrain de jeu ? Les réseaux sociaux, la radio et les télévisions privées. Leur public ? Des jeunes de 15 à 30 ans accros à YouTube, Facebook et Twitter. Leur langue ? Un mélange d’arabe dialectal, de français et de kabyle. Une « novlangue » avec laquelle ils raillent les travers de la société algérienne, moquent et parodient les hommes politiques, parlent ouvertement de corruption et, prudemment, de sexe ou de religion.

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Dans un pays où les rares salles de spectacle qui existaient ont fermé, les nouveaux Fellag investissent la toile et commencent à séduire un public plus large.

  • Nadir Kechout – Réveil malin

Licencié en management de l’École des hautes études commerciales d’Alger, Nadir Kechout, 24 ans, ne se destinait pas à l’art du divertissement. Mais à force de regarder les émissions de Laurent Ruquier sur France 2, de suivre les chroniques assassines de Nicolas Bedos ou d’écouter les billets vachards de Stéphane Guillon, il a fini par se prendre au jeu. C’est un concours lancé en 2012 sur Chaîne III, radio nationale en langue française, qui lui a mis le pied à l’étrier. Repéré par deux animateurs, Nadir est engagé pour livrer, à l’aube, deux chroniques corrosives par semaine (Les Chroniques de Nadir). Scène, télé, cinéma… Nadir attend les propositions.

  • Youcef Zaroute – Sourire en coin

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Il tire sur tout ce qui bouge… ou presque. Depuis ses débuts sur le Net, cet Algérois de 23 ans licencié en gestion a transformé le domicile de ses parents en studio de cinéma : parodies de pubs, courts détournements de films. En deux ans, les vidéos labellisées « 100 % Zarouta » obtiennent une audience cumulée de 6 millions de vues. « Avant j’étais hittiste [chômeur, « qui tient les murs »], aujourd’hui je passe à la télé, dit-il. Ce n’est que du bonheur… » Fan de Hassan Terro (héros comique d’un célèbre film des années 1960), Youcef s’impose, tout de même, des limites. Il prend soin de ne pas rire de la politique, de la religion et du sexe. « Pour n’avoir de problèmes ni avec la police, ni avec les imams, ni avec les pères de famille. »

  • Adel Kitch – Le don de la farce

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Entre un séminaire sur la littérature du Tiers Monde et un cours de phonologie à l’université de Bouzareah (en banlieue ouest d’Alger), où il prépare une licence de français, Adel Benmeddour, alias Adel Kitch, 19 ans, passe son temps dans sa chambre à monter des vidéos et à interpréter ses textes potaches, écrits avec le concours de son frère, sous l’oeil bienveillant de leur mère. Le beau gosse aux yeux verts puise ses thèmes – les vacances, la drague, l’amour, internet, le tabac – dans le quotidien des jeunes gens. Résultat : abondamment partagés sur YouTube, ses sketchs ont été vus par plus de 100 000 personnes en moins de deux ans. Un début prometteur pour cet étudiant qui a commencé à composer ses gags à l’âge des premiers émois adolescents. Le show qu’il a donné en décembre 2012 au théâtre de Constantine l’a définitivement convaincu de faire carrière dans le spectacle. Aspirant à décrocher un rôle ou à remonter sur les planches, Kitch est en train d’achever l’écriture d’un scénario.

  • Anes Tina – Insolent, va !

Avant de devenir amuseur public, Anes Bouzeghoub, alias Anes Tina, 23 ans, s’est d’abord consacré à ses études comme l’exigeaient ses parents. Titulaire d’un master en management et d’une licence en sciences commerciales, le jeune homme – actuellement agent commercial – peut désormais s’adonner à sa passion : mettre en ligne ses sketchs. Publiée mi-avril, sa parodie d’un discours de Hitler étrillant les Algériens en arabe dialectal a été vue par quelque 700 000 internautes en deux mois et continue de faire le buzz. « Une vraie rampe de lancement », concède cet inconditionnel d’Athmane Ariouet. Ses vidéos ont séduit les responsables d’une télévision privée, qui lui ont confié un rôle dans une sitcom en 2012. Mais l’expérience s’arrête rapidement : Anes est jugé trop piquant pour la chaîne. À quelque chose malheur est bon. Il vient de signer un contrat avec l’opérateur téléphonique Nedjma pour faire la promotion de la marque. Un petit pas vers son rêve : se produire sur scène.

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