Centrafrique : pourquoi une partie de l’opinion veut voir l’armée rwandaise quitter le pays
Des opposants à Faustin-Archange Touadéra et des organisations de la société civile ont prévu d’organiser des manifestations. Ils estiment que les hommes envoyés par Paul Kagame contribuent à pousser le président dans sa volonté de conserver le pouvoir.
Des voix émanant d’une partie de l’opposition et de la société civile centrafricaine s’élèvent depuis quelques jours afin de protester contre la présence rwandaise en Centrafrique. Certaines organisations prévoient même de manifester, notamment devant l’ambassade du Rwanda à Paris, dans le but de faire entendre cette revendication et de réclamer le départ des troupes de Paul Kagame du territoire centrafricain.
En tête de ce mouvement figurent des opposants tel que Crépin Mboli-Goumba et l’ancienne ministre de l’Éducation Gisèle Bedan. Le Groupe d’action des organisations de la société civile pour la défense de la Constitution du 30 mars 2016 (G16), dont le dirigeant est installé en France, donne aussi de la voix.
Pourquoi cette opposition ? Les manifestants estiment que le Rwanda apporte, via son aide militaire, un soutien de taille au président Faustin-Archange Touadéra dans sa quête actuelle de modifier la Constitution et, ce faisant, d’obtenir un troisième mandat, aujourd’hui interdit par les textes. Depuis la fin de 2019 et la visite officielle du président rwandais Paul Kagame en Centrafrique, les relations entre Bangui et Kigali n’ont en effet jamais cessé de s’améliorer.
Forces spéciales
Des émissaires du président Touadéra font régulièrement le voyage de Kigali, tandis que ceux du président rwandais viennent constamment à Bangui. Des accords politique, économique et militaire ont été signés pour couronner ce rapprochement. Kigali était surtout venu à la rescousse de Bangui lorsque, à la fin de 2020 et au début de 2021, les rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) étaient aux portes de Bangui et menaçaient de prendre le pouvoir.
Les forces spéciales rwandaises, ainsi que les mercenaires russes du groupe Wagner, avaient alors contribué à desserrer l’étau autour de la capitale. Depuis, les militaires rwandais, déployés spécifiquement pour assurer la protection du président Touadéra, ont également mené des offensives contre les poches de résistance de la rébellion à l’intérieur du pays. En outre, sur le plan économique, dans le cadre de l’accord entre les deux pays, plusieurs hommes d’affaires rwandais se sont installés à Bangui.
D’après une source à la présidence centrafricaine, « le désir de voir le Rwanda se retirer de la Centrafrique provient essentiellement des opposants qui soutiennent la rébellion de la CPC, car leur projet de coup d’État ne pourra jamais réussir si nous disposons d’un allié comme le Rwanda. Il faut donc les faire partir. Le raisonnement d’ingérence rwandaise n’est que pure distraction ». Notre source accuse même des opposants centrafricains de financer une campagne contre la présence rwandaise.
Obtenir le soutien de la RDC
Les manifestants ont-ils un autre objectif ? En attaquant Kigali, cette frange de l’opposition pourrait en tout cas s’attirer les faveurs de la RDC. « L’opposition veut surfer sur cette vague pour prouver aux autorités congolaises qu’elles peuvent compter sur les opposants, afin d’obtenir du soutien politique et financier chez le voisin direct de Bangui », renchérit un membre du gouvernement centrafricain qui a requis l’anonymat.
Kigali n’entend en tout cas pas se laisser intimider. « L’intervention du Rwanda en République centrafricaine est destinée au gouvernement et à ses institutions, et non à un individu. Le Rwanda ne peut en aucun cas être impliqué dans la politique intérieure de la Centrafrique, encore moins dans le projet de modification de la Constitution de ce pays », a ainsi récemment déclaré aux médias Vincent Biruta, ministre rwandais des Affaires étrangères. D’après nos informations, le président rwandais Paul Kagame compte augmenter son effectif militaire en Centrafrique.
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