Algérie : présidentielle surprise

À moins de un an de la présidentielle algérienne, aucun candidat d’envergure ne s’est encore déclaré. Au sein des états-majors des différents partis, on tergiverse.

Abdelaziz Bouteflika est toujours en convalescence en France. © AFP

Abdelaziz Bouteflika est toujours en convalescence en France. © AFP

Publié le 11 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

La célébration du cinquantenaire de l’indépendance du pays, qui s’est achevé le 4 juillet 2013, a été particulièrement éprouvante avec la disparition de trois anciens chefs d’État (Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Ali Kafi) et un accident vasculaire cérébral qui a durablement éloigné du pays l’actuel président. Le mystère s’épaissit autour de l’élection présidentielle prévue en avril 2014. Les images d’Abdelaziz Bouteflika convalescent diffusées le 12 juin ont montré un homme affaibli et suscité bien des interrogations quant à sa capacité à achever la dernière année de son mandat. Cependant, même l’éventualité d’un scrutin anticipé ne parvient pas à faire sortir la classe politique de sa léthargie, à l’exception des partis islamistes, qui redoublent d’énergie pour unifier leurs rangs. 

Querelles byzantines

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À la suite de dissensions internes, les deux premières forces du pays, le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), ont remercié leurs secrétaires généraux. Ahmed Ouyahia, qui a jeté l’éponge le 3 janvier, et Abdelaziz Belkhadem, son homologue du FLN, destitué le 31 janvier, tous deux anciens chefs du gouvernement, faisaient encore l’an dernier figure de candidats potentiels au cas où Abdelaziz Bouteflika ne briguerait pas un quatrième mandat. Décapités, les deux partis naviguent à vue.

Atomisées par des querelles byzantines, les principales formations du courant démocratique, le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), se remettent péniblement du départ de leurs fondateurs respectifs, Hocine Aït Ahmed, 86 ans, et Saïd Sadi, 65 ans. Quant aux trotskistes du Parti des travailleurs (PT), seuls à avoir réussi à maintenir leur cohésion, ils se montrent encore indécis face à l’échéance électorale. Se lanceront-ils dans la « bataille d’El-Mouradia » en investissant une troisième fois (après 2004 et 2009) Louisa Hanoune, leur secrétaire générale ? « La question sera tranchée par notre conseil national, prévu au second semestre 2013, réplique le député Djelloul Djoudi, numéro deux du parti. Tout cela était prévu et n’a rien à voir avec la maladie du président ni avec la vie interne des autres partis. » Le 24 juin, Louisa Hanoune a demandé que soient réunies « toutes les conditions requises » pour garantir « l’intégrité et la transparence de la prochaine élection présidentielle de manière que celle-ci marque le début d’une ère nouvelle ». 

Kyrielle

Restent les islamistes. Où en sont-ils aujourd’hui ? Depuis la dissolution, en mars 1992, du Front islamique du salut (FIS), le courant a pour locomotive le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, d’obédience Frères musulmans). Il se compose de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV, coalition du MSP et de deux petites formations, Ennahda et El-Islah) ainsi que d’une kyrielle de petits partis qui doivent leur existence à des personnalités politiques dissidentes. Parmi elles, le Front du changement d’Abdelmajid Menasra, ancien ministre de l’Industrie, le Front de la justice et du développement d’Abdallah Djaballah, rival malheureux de Bouteflika à deux reprises, et le Rassemblement Espoir de l’Algérie (TAJ). Ce dernier, dirigé par un transfuge du MSP, Amar Ghoul, l’inamovible ministre des Travaux publics, est le seul parti islamiste se revendiquant ouvertement d’Abdelaziz Bouteflika.

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Le MSP a longtemps accepté de faire partie de la coalition gouvernementale, jusqu’à ce que les révolutions du Printemps arabe amènent au pouvoir des mouvements islamistes en Tunisie, au Maroc et en Égypte, certes avec des contrepoids politiques. Le MSP quitte alors l’Alliance présidentielle (formée avec le FLN et le RND). Un virage stratégique conforté par un renouvellement de direction, Bouguerra Soltani laissant sa place de président à Abderrazak Mokri. Celui-ci, élu le 4 mai, incarne le changement de cap et affiche son ambition : unifier et réhabiliter le courant islamiste pour en faire « la seule alternative possible au système en place », selon la formule d’un député des Frères musulmans.

Pour ce faire, au moment où tous les regards sont rivés sur l’Institution nationale des Invalides, l’hôpital militaire parisien où Bouteflika est en convalescence, Mokri multiplie les rencontres, sillonne le pays et tente de fédérer, autour de lui, le courant fondamentaliste. Une gageure. Mais, face à la torpeur générale, ce déploiement d’efforts constitue une exception au sein d’une classe politique figée dans l’attente d’un signal de départ qui ne vient pas. Le signal ? Que le système identifie « un candidat du consensus », que Bouteflika fasse part publiquement de ses intentions ou qu’une personnalité d’envergure – par exemple les anciens Premiers ministres Ali Benflis, Ahmed Ouyahia ou Mouloud Hamrouche – annonce officiellement sa candidature. Pour l’heure, c’est le brouillard le plus complet.

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Par Cherif Ouazani, envoyé spécial

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