Algérie : qui veut devenir capitaine ?

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Publié le 10 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Que l’élection présidentielle soit anticipée ou se déroule, comme prévu, en avril 2014, le futur locataire d’El-Mouradia va hériter d’une charge et d’une mission titanesques. Certes, le poste n’a jamais été une sinécure. Ni Boudiaf, ni Zéroual, ni Bouteflika lui-même ne se sont assis dans un fauteuil confortable, à une époque l’Algérie, en proie à la violence terroriste et aux affres de la guerre civile, était à genoux. Ce qui attend le prochain élu est pourtant de nature à rebuter les plus téméraires ou les plus ambitieux des politiques.

Succéder à Abdelaziz Bouteflika n’est déjà pas chose aisée : quatorze ans de pouvoir (record de longévité dans le pays), le retour de la paix, de vastes et nombreux chantiers d’infrastructures engagés, l’image de l’Algérie sur la scène internationale restaurée, une mainmise évidente sur l’ensemble des rouages du système et une influence à nulle autre pareille depuis Boumédiène, mais aussi une popularité que seuls quelques contempteurs acides ont remise en question… Pour son successeur, la comparaison avec le chef de l’État sera difficile à soutenir. 

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Là n’est pourtant pas le plus délicat. Car ce dont a besoin l’Algérie aujourd’hui, c’est d’une redéfinition totale de son projet politique, économique et social. Un navire, aussi robuste et puissant soit-il, a besoin d’un cap et d’une feuille de route pour parvenir à bon port. Sans parler d’un équipage renouvelé qui n’hésiterait plus éternellement entre bâbord et tribord et opterait pour la ligne droite, cessant de perdre son temps à écoper pour se décider enfin à colmater les brèches.

Cela revient à se débarrasser des nombreux carcans, a priori hérités du passé, pour déterminer ce que l’on souhaite faire de l’Algérie dans l’avenir. Et donc se poser les bonnes questions : quels sont ses atouts, ses faiblesses, dans quel environnement veut-on évoluer, de quelles réformes l’économie a-t-elle besoin, quelles relations veut-on instaurer avec les autres nations maghrébines, africaines et du reste du monde, comment redonner confiance à une population paradoxalement très attachée à son pays mais très méfiante vis-à-vis de ses dirigeants ? Quelle place pour les plus jeunes et pour les femmes, les grands laissés-pour-compte de ce demi-siècle d’indépendance ? La liste est longue… 

Une fois ce projet global défini, il restera à accomplir le plus difficile : changer, s’adapter, penser différemment, s’ouvrir sans pour autant se renier. Avec les moyens du bord, sans toutefois jeter le bébé avec l’eau du bain. En veillant à préserver de fragiles équilibres. En pensant aussi, en matière d’éducation, de santé ou d’industrialisation par exemple, qu’on ne recueillera les fruits des indispensables réformes que bien des années plus tard, au bout d’un chemin semé d’embûches. Préparer l’avenir, donc, tout en répondant à l’urgence. En politique, court et long termes ne font jamais bon ménage… Il faudra pourtant se préoccuper des deux, en permanence.

Les pesanteurs et l’extraordinaire force d’inertie de ce géant indolent du Maghreb ne manqueront pas de compliquer cette gageure. Sans compter la résistance dans laquelle entreront tous ceux qui n’ont guère intérêt à cette indispensable remise à plat, ces privilégiés officiels ou ces roitelets de l’économie souterraine qui ne se laisseront point retirer leurs prébendes sans coup férir.

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La voie la plus facile pour le prochain président ? Ne rien remettre en question, offrir quelques mesures cosmétiques en se disant qu’après tout la fin du pétrole n’est pas pour demain et que l’Algérie a traversé bien d’autres épreuves. Mais cette voie serait, in fine, celle d’un naufrage collectif. 

>> Lire : Algérie : plongée au coeur du système

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