Tunisie : quand Rachid Ammar vide son paquetage…
Critiqué par certains responsables politiques peut-être un peu inquiets de sa popularité, le chef d’état-major de l’armée tunisienne, Rachid Ammar, a annoncé sa démission à la télévision. Et fait des révélations chocs.
La Grande Muette porte bien son nom, mais quand le haut commandement militaire s’exprime, cela fait l’effet d’une bombe. Pendant trois heures le 24 juin, sur la chaîne Ettounsiya – qui fait le plus d’audience en Tunisie -, le général Rachid Ammar, chef d’état-major interarmes, a annoncé son départ à la retraite, faisant au passage de nombreuses révélations. Du jamais vu ou presque : il ne s’était exprimé qu’une seule fois, et très brièvement, après la révolution de 2011 au cours de laquelle il a joué un rôle de premier plan bien que parfois exagéré par les médias.
Si beaucoup se demandent quelle mouche l’a piqué, les mieux informés savaient que certains responsables politiques le poussaient vers la sortie. « Les coups de poignard dans le dos sont venus de tous côtés », confie cet homme de 65 ans, ordinairement taiseux.
Pourtant, depuis la chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011, l’armée n’a pas failli. Toujours sur la brèche, elle a peu ou prou réussi à maîtriser la situation sécuritaire, notamment aux frontières, dont celles de la poudrière libyenne. On lui impute néanmoins l’échec de l’opération dans le Jebel Chaambi (Centre-Ouest), où elle a subi des pertes (7 morts) sans parvenir à démanteler le réseau de jihadistes qui en avaient fait une base d’entraînement.
Cette dernière chicane ressemble fort à un prétexte. Depuis quelque temps, en coulisses, le sérail ne ménage pas ses critiques à l’égard d’une institution militaire sans doute trop populaire à ses yeux. À l’instar de Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha, confiant aux salafistes : « L’armée n’est pas entre nos mains. » Le général Ammar a donc choisi de s’adresser aux Tunisiens pour tirer un bilan de son action, mettant en garde contre le risque de déstabilisation que court le pays, dévoilant les rouages des groupuscules extrémistes qui entretiennent des liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et expliquant le revers du Chaambi par la défaillance des services de renseignements.
Réquisitoire
Poussant plus loin les confidences, il affirme avoir refusé la présidence de la République au lendemain de la révolution. Et révèle que, peu après l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, le 6 février dernier, l’idée de former un gouvernement de technocrates, lancée par Hamadi Jebali, venait en réalité de lui.
Bref, Ammar s’en va, mais règle ses comptes en public. « C’est un réquisitoire contre la gestion de la troïka au pouvoir », souligne Mohsen Marzouk, membre du bureau politique de Nida Tounes. Si Houcine Abassi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) demande à Rachid Ammar de revenir sur sa démission « dans l’intérêt du pays », ni le gouvernement ni l’Assemblée nationale constituante n’ont réagi. Mais beaucoup estiment que son départ à la retraite annonce peut-être un début de carrière politique.
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