Mali : Minusma, c’est flou

Le 1er juillet au Mali, la Minusma a succèdé à la Misma. En pratique, les 6 000 hommes de la seconde seront versés dans la première. Simple… mais seulement en apparence.

Le général Soumaïla Bakayoko chef d’état-major de l’armée ivoirienne, passe en revue des troupe © Issouf Sanogo/AFP

Le général Soumaïla Bakayoko chef d’état-major de l’armée ivoirienne, passe en revue des troupe © Issouf Sanogo/AFP

Publié le 5 juillet 2013 Lecture : 5 minutes.

Il faudra s’y faire. Depuis le 1er juillet, on ne peut plus parler de la Misma, sauf au passé. Après six mois d’une existence aussi brève que laborieuse, la Mission internationale de soutien au Mali, composée de troupes ouest-africaines et tchadiennes placées sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), et contrainte d’entrer en action plus vite que prévu, à la mi-janvier, pour riposter à l’offensive surprise des groupes jihadistes occupant le Nord-Mali, a laissé la place à la Minusma : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali. L’acronyme y gagne deux lettres, et la force six milliers d’hommes et de femmes d’ici à la fin de 2013. Pour le reste, c’est le flou le plus total.

À New York, au siège de l’ONU, comme à l’hôtel Laico de Bamako, où les premiers éléments civils de la Minusma ont installé leurs quartiers provisoires, les fonctionnaires internationaux s’excuseraient presque de leur mutisme. « Nous n’avons pas tous les détails, dit l’un d’eux. En bref, hormis que 6 000 hommes de la Misma intégreront la Minusma et les aides qu’ont promises certains pays, on ne sait pas grand-chose. » Même son de cloche du côté des militaires de la région. « On ne sait presque rien. Pas très bien engagée, cette affaire », souffle le chef d’état-major particulier d’un chef d’État.

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Une chose est acquise : les Maliens ne verront rien de très spectaculaire.  Il ne faut pas s’attendre à voir débarquer, à l’aéroport de Bamako ou dans les rues de Gao, une horde de soldats venus du sud du continent ou de la lointaine Asie. « Sur le terrain, rien ne changera vraiment au début, si ce n’est l’uniforme de nos hommes », indique un officier ouest-africain chargé de superviser la bascule. Les quelque 6 085 éléments qui composent la Misma, état-major compris, troqueront simplement le béret de leur pays pour le béret bleu des Nations unies. Tous ou presque seront intégrés à la Minusma. « Quand on parle de déploiement, on exagère, poursuit le chef d’état-major particulier. Ce sera plutôt de la reconversion. »

À la fin de cette année, la Minusma, dont la naissance remonte au 25 avril mais dont le « déploiement » n’a été validé par le Conseil de sécurité que le 25 juin, comptera 12 640 éléments armés (11 200 soldats et 1 440 policiers) ainsi qu’une petite composante civile. Si la chaîne de commandement est connue, les troupes arriveront au compte-gouttes. « Au début, on espérait qu’elles seraient là pour la présidentielle [prévue le 28 juillet], mais cela semble irréaliste. La plupart arriveront plus tard », indique un officier malien. Les seuls renforts à attendre dans les prochaines semaines viendront des pays de la Cedeao participant déjà à la Misma. 

Contraintes

La plupart ont envoyé 500 à 600 hommes ces derniers mois. Or les normes de l’ONU imposent des bataillons de 850 hommes. Il leur faudra donc combler la différence – le Burkina Faso, qui compte 500 soldats, a d’ores et déjà annoncé l’envoi de 490 hommes supplémentaires (350 soldats et 140 gendarmes). Il leur est aussi demandé de se conformer aux règles onusiennes en termes d’équipement et de formation (un point sur lequel les Tchadiens font l’objet d’une attention particulière à New York). Fini les pick-up transportant une dizaine d’hommes et les soldats mal équipés. « On nous demande des véhicules de transport de troupes plus modernes, un certain nombre d’armes… C’est très contraignant », explique un officier nigérien. Pour y arriver dans le délai imparti (quatre mois maximum), les experts onusiens ont conseillé aux États de la Cedeao de solliciter de l’aide bilatérale.

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Tout cela peut sembler bien long alors que l’on en parle depuis des mois, mais il n’y a là rien d’anormal, expliquent les experts. À New York, on admet tout de même qu’au Mali les choses se font peut-être plus lentement qu’ailleurs. « La majorité des troupes se trouveront au Nord, confie un membre du département des opérations de maintien de la paix. Cela demande un gros travail en amont pour mettre en place logistique et approvisionnement, puis s’assurer que les moyens suivront. D’autant que les conditions climatiques sont extrêmement difficiles. » À Kidal, en ce moment, il fait plus de 50 °C.

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Une participation inédite : la Chine

Par ailleurs, la liste des pays qui participeront à cette force n’est toujours pas arrêtée. La Mauritanie, d’autres États du continent et quelques pays européens se sont portés candidats, mais rien d’officiel ni de définitif pour l’heure. Pékin a proposé d’envoyer un contingent « global » de 500 hommes, qui pourrait inclure des troupes de combat. Si cet envoi est confirmé, l’on pourra parler d’une rupture historique : s’il s’agit de la trentième opération onusienne à laquelle la Chine participe, c’est la première fois que le pays affecte une unité des forces de sécurité à une mission de maintien de la paix.

Même les bases de la Minusma restent à définir. A priori, le commandement des forces s’installera à Bamako et il y aura au moins un PC tactique dans le Nord – peut-être deux -, certainement à Gao et Tombouctou. Mais, le 25 juin, Ibrahima Dahirou Dembélé, le chef d’état-major de l’armée malienne, a prévenu : « Nous ne voulons pas que la Minusma s’installe dans les bâtiments existants à Gao ou Tombouctou. Nous voulons que l’ONU amène elle-même ses matériels. »

On est donc loin du compte. En attendant, la France veille au grain. Elle compte aujourd’hui 3 200 hommes au Mali, et il devrait en rester un millier à la fin de l’année. Ceux-là « stationneront le temps nécessaire », a indiqué Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense. Car si les Casques bleus pourront « recourir à tous les moyens nécessaires pour assurer la protection des civils », il reviendra à la force française de mener les opérations antiterroristes, en toute autonomie vis-à-vis du commandement de la Minusma. « Nous interviendrons face à un danger particulier, mais ce sera à nous de décider avec quelles capacités », précise Gérard Araud, ambassadeur et représentant permanent de la France à l’ONU, selon qui « un arrangement technique est en cours de finalisation » sur ce point.

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Même si, selon un officier de la Misma, « la partie est en passe d’être gagnée », ce soutien français est jugé indispensable par tous les protagonistes, et notamment par Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, qui ne manque pas une occasion de rappeler que cette opération de maintien de la paix (la quinzième en cours dans le monde et la troisième par l’importance de ses effectifs) dans un contexte de guerre asymétrique est inédite et extrêmement risquée. À Bamako, nombreux sont ceux qui craignent une recrudescence des attentats durant la campagne électorale.

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