Justice pour Césaire !

Texte écrit en 2013 par l’écrivain et dramaturge congolais Antoine Vumilia.

Publié le 25 juin 2013 Lecture : 2 minutes.

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Aimé Césaire : retour sur un siècle de lumières

A l’occasion des dix ans de la disparition d’Aimé Césaire, le 17 avril 2008, Jeune Afrique vous propose de (re)lire une série d’articles issus de nos archives sur le parcours de cet intellectuel qui aura laissé une marque profonde sur son siècle.

Sommaire

Kisangani, 1986. Adolescent, je lis Moi, laminaire… en rentrant de l’école sur un sentier poussiéreux écrasé sous la chaleur. Mais j’ai beau chercher, je ne me rappelle pas avoir vu le nom d’Aimé Césaire parmi les auteurs au programme de mes humanités littéraires. Qu’il s’agisse là d’un génie et que les références au Congo soient légion dans sa poésie, que le père de la négritude ait écrit une pièce intitulée Une saison au Congo… rien ne semble lui attirer les faveurs des autorités du Zaïre de Mobutu.

Une saison au Congo – justement ! – est peut-être la cause de cette injustice à l’égard de Césaire. Imposante fresque, la pièce débute en 1958 au Congo belge et décrit, mêlant savoureusement rhétorique politique, écriture épique et un peu de lyrisme, la période trouble de l’accession du Congo à l’indépendance et le tragique destin de son héros Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre du jeune État. Césaire l’écrit en 1966, alors que la dictature de Mobutu – dont il n’occulte pas la responsabilité dans l’assassinat de Lumumba – bat son plein. S’il évite habilement la facilité de la caricature et du pamphlet politique, son texte ne sera pourtant jamais monté au Congo et n’y circulera que sous le manteau.

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Goma, avril 2012. Justin Kasereka, jeune artiste congolais, qui comme moi n’a pas eu la chance de découvrir Césaire sur les bancs de l’école, crée une pièce chorégraphique dans cette ville dévastée par la guerre et fait résonner les mots de Césaire pendant qu’il danse sur le sommet d’un volcan : Le malheur au loin de l’homme se mesure aux silences / de ce volcan qui survit en clepsydre aux débris / de son courage.

Justice donc !

Paris, ministère de la Culture, fin 2012. Un fonctionnaire sourit avec lassitude en tapant une réponse négative et polie à l’adresse d’un directeur de théâtre qui sollicite de l’aide pour monter Une saison au Congo. L’année 2013 a beau être celle du centenaire de Césaire, même l’écrivain guadeloupéen Daniel Maximin, pourtant chargé d’orchestrer les événements liés à cette célébration, n’a pas plus de succès, obligé qu’il est de fonctionner presque sans budget.

Villeurbanne, 7 juin 2013, 22 h 40. Il fait chaud. La salle Planchon du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne pleine de gens de toutes origines a dû accueillir les spectateurs jusque sur les marches. Trente-sept artistes (dont moi) représentant au moins dix nationalités saluent sous les applaudissements des spectateurs… Un mot s’affiche sur l’écran au-dessus de la scène : « Justice » ! C’est la dernière d’Une saison au Congo, présentée en avant-première.

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Christian Schiaretti avec Baptiste Guiton pour la mise en scène et Daniel Maximin pour la dramaturgie ont conjuré le sort et rendu à la France ce qui est à Césaire et à l’Afrique. Dans le public, Dyana K, jeune étudiante congolaise, la vingtaine « branchée ». On la verrait bien dans une soirée hip-hop, mais détrompez-vous, elle est « fan » de Césaire, dont elle garde une effigie à côté de son lit.

Rien de moins à signaler / que le royaume est investi / le ciel précaire / la relève imminente et légitime / Rien sinon que le cycle des genèses vient sans préavis / d’exploser et la vie qui se donne sans filiation / le barbare mot de passe*.

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Justice !

* Extrait de « Wifredo Lam », d’Aimé Césaire.

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