Djibouti : sushis et viande de dromadaire
Ouvert en 2008, le Melting Pot fait la part belle à la gastronomie nippone, sans renier les mets du terroir. Repas animé en compagnie de militaires… japonais.
Grandes manoeuvres à Djibouti
Avant d’aller s’encanailler dans les clubs sélects de l’hôtel Kempinski comme à chaque permission, le capitaine Keiichiro Saito et l’équipage de l’avion d’observation P3-Orion, dont il assume le commandement depuis trois mois, ont pris l’habitude de commencer la nuit en jouant des baguettes au Melting Pot. Ouvert en 2008 dans le quartier résidentiel du Héron, le dernier restaurant à la mode a eu la bonne idée, quelques mois seulement avant l’arrivée des premières forces aéronavales japonaises, d’ajouter à sa carte des spécialités gastronomiques du pays du Soleil-Levant. Quelques petites gargotes installées près de l’aéroport, aux portes de la base japonaise, ont depuis copié la recette. Mais sans rencontrer le même succès, « faute de proposer la même qualité de produits qu’ici », précise l’officier des forces nippones d’autodéfense, tout en mastiquant ses sashimis.
Fidèle à son nom et à l’image qu’il veut se donner, le Melting Pot marie à la perfection les influences pour faire cohabiter dans son menu brochettes de dromadaire et beignets de tempura, vin français et bière éthiopienne au nom d’un parti pris multiculturel « qui colle parfaitement à Djibouti », estime Georges Collaros, le propriétaire des lieux, lui-même Djiboutien d’origine grecque. Dans un pays qui ne consomme traditionnellement pas de poisson cru, le pari pouvait sembler osé. Mais aujourd’hui, « même les Djiboutiens apprécient les sushis », insiste le patron, qui met un point d’honneur à ne servir que des produits locaux – comme le requin – en s’approvisionnant auprès des pêcheurs du port. « Sauf pour le saumon, forcément d’importation », tempère-t-il.
Comme à la maison
Pour renforcer l’illusion d’un dépaysement, l’établissement propose un intérieur d’inspiration orientale, avec ses tables basses largement fleuries et une décoration très dépouillée derrière des portes coulissantes en bois laqué. « Un peu comme à la maison », confirme le copilote Genki Hirakawa, qui avoue faire le déplacement « au moins une fois par semaine ». Et pas seulement pour manger japonais. Entre deux makis, lui et ses compatriotes n’hésitent pas à découvrir à l’occasion de nouveaux horizons culinaires, même s’il y a belle lurette qu’ils ne s’essaient plus à la viande de dromadaire, « au goût trop fort », comme le sont leurs éclats de rire à mesure qu’avance la nuit et que tombent les dernières vestes.
« Toutes nos viandes viennent pourtant de chez un boucher spécialisé », sourit Georges Collaros, pas plus offensé que ça même s’il s’est fixé pour mission de « mieux faire connaître la viande de dromadaire au grand public ». Le restaurant est de toute façon plein à craquer, et le ballet des serveuses ne baisse pas de rythme entre les tables installées le long de la piscine, même lorsque la bossanova succède à la salsa. « Je voulais proposer un endroit où les gens se sentent bien et peuvent déguster une cuisine différente », explique le patron, qui possède également un restaurant de fruits de mer de l’autre côté de la ville.
Bénéficiant d’un effet de mode certain, son Melting Pot attire aujourd’hui une nouvelle clientèle, très internationale, curieuse d’expériences gustatives insolites et de saveurs méconnues. Pendant que, dans la cuisine, le chef en provenance d’Asie continue de s’affairer, la petite troupe japonaise vide d’un trait ses verres de saké, avant de se préparer soigneusement pour sa prochaine expédition. Dans un mois, tous seront de retour dans leur pays.
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