Djibouti – Zeinab Kamil Ali : « C’est aux femmes de sortir de leur tanière »

Défense de la condition féminine, accès de tous à l’éducation… La directrice exécutive de l’Autorité des ports et zones franches de Djibouti est en première ligne.

« L’objectif n’est pas de singer les hommes », estime la juriste de 42 ans. © DR

« L’objectif n’est pas de singer les hommes », estime la juriste de 42 ans. © DR

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Publié le 8 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Grandes manoeuvres à Djibouti
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Grandes manoeuvres à Djibouti

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Nommée à la direction de l’Autorité des ports et zones franches de Djibouti (APZFD) en 2005, mère de cinq enfants, Zeinab Kamil Ali, bientôt 43 ans, a su concilier vie familiale, professionnelle et associative. Très engagée sur les questions relatives à la condition des femmes, elle a contribué à définir les missions du Comité ad hoc des droits de l’homme, lors de son installation à Djibouti, en 2002. En tant que membre de ce comité, elle a participé au niveau régional au processus de ratification du protocole de Maputo relatif aux droits des femmes en Afrique, intégré à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Jeune Afrique : Comment la condition et le rôle de la femme dans la société ont-ils évolué ces dernières années ?

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Zeinab Kamil Ali : Les femmes sont généralement très respectées, car elles ont toujours su faire entendre leur voix, notamment lors des grands événements politiques qui ont marqué le pays depuis son indépendance. Je n’ai moi-même jamais subi de violation flagrante de mes droits et pense pouvoir affirmer que l’oppression des femmes n’existe pas à Djibouti.

Cela étant, la situation s’est considérablement améliorée, notamment sur le plan juridique. L’excision est désormais interdite, et, depuis l’adoption du code des familles en 2010, un mari ne peut plus répudier son épouse. Ces cinq dernières années, les associations de microcrédit ont également renforcé l’émancipation financière des femmes. Grâce à une législation incitative, elles ont pu faire leur entrée au Parlement et prendre la tête de plusieurs institutions publiques. Il faut maintenant aller plus loin. Une grande majorité de femmes restent dans un état de dépendance totale vis-à-vis de leur époux : il faut donc conjuguer l’amélioration de leurs droits avec une meilleure insertion professionnelle.

La solution passe-t-elle par la mise en place de quotas ?

Un quota de 10 % de postes réservés aux femmes dans la fonction publique a été mis en place. Je ne suis pas sûre qu’il soit vraiment appliqué et ne suis de toute façon pas favorable à ce genre de formule, qui reste discriminatoire. Notre culture et nos traditions nous imposent de trouver un modèle intégrateur et égalitaire. C’est aux femmes elles-mêmes de sortir de leur tanière pour occuper le terrain. Nous sommes dans un pays en développement qui a des besoins énormes, et il serait très dommageable de se passer des compétences de la moitié de la population. Il ne s’agit pas de tout révolutionner, mais de permettre aux femmes de tenir la place qui leur revient dans notre société, notamment dans les instances de décision, publiques comme privées.

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Quelle est la priorité selon vous ?

Renforcer l’éducation des femmes en leur facilitant l’accès aux formations universitaires et professionnelles, avec un encadrement fort pour les aider à poursuivre leurs études. Il faut notamment insister sur les exemples de réussite et nous appuyer sur celles qui disposent déjà d’une visibilité et d’une représentativité. Les femmes doivent être plus solidaires et mieux organisées si elles veulent pouvoir agir, tout en restant elles-mêmes surtout. L’objectif n’est pas de singer les hommes.

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Y a-t-il un risque de voir la religion ralentir ce mouvement d’émancipation ?

À partir du moment où les femmes sont éduquées, il n’y a aucun risque d’endoctrinement. L’extrémisme religieux ne s’installe que dans les milieux pauvres et sous-éduqués, où les femmes restent le plus vulnérables. La situation était identique, en son temps, quand il s’est agi d’interdire l’excision. Mais cette question dépasse celle des femmes : toute la population doit être incluse dans le développement économique en cours. C’est le meilleur moyen de lutter contre les extrémismes. Le chômage est si élevé aujourd’hui qu’il pourrait provoquer la révolte des plus démunis. Le fondamentalisme n’a pas sa place dans notre société, sauf auprès des plus déshérités, il est donc urgent de lutter contre la pauvreté.

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Propos recueillis par Olivier Caslin

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