Mali : que de chichis pour une chicha
Le gouvernement a annoncé, le lundi 15 août, l’interdiction du narguilé. Production, consommation, commercialisation… Les peines encourues varient d’un à dix jours d’emprisonnement et de 300 à 18 000 francs CFA d’amende.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 27 août 2022 Lecture : 2 minutes.
Il n’y a pas de petite priorité. Le 15 août, alors que le Mali était encore sous le choc de l’attaque jihadiste perpétrée une semaine plus tôt à Tessalit, que le dernier détachement militaire français quittait la base de Gao, que le Premier ministre, Choguel Maïga, tentait de se remettre d’un AVC survenu cinq jours plus tôt et que le Sénégalais Macky Sall arrivait à Bamako pour s’entretenir avec Assimi Goïta, le gouvernement s’attelait, lui, à remettre les Maliens sur le chemin du renouveau patriotique.
Ce jour-là, et pour enrayer un fléau manifestement prégnant, une armada de six ministres s’est fendue d’un communiqué commun : le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, celui de la Justice et des Droits de l’homme, celui – ou plutôt celle – de la Santé et du Développement social, celui de l’Économie et des Finances, celui de l’Industrie et du Commerce et celui de la Jeunesse et des Sports, également chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne. Qu’est-ce qui justifie une telle mobilisation ? La chicha. Il n’y a pas non plus de petite menace.
La détention et l’usage de la chicha, ou narguilé, sont désormais interdits
Pédagogue, le communiqué rappelle qu’est visé « tout objet, appareil ou dispositif sous forme de pipe à eau qui permet de fumer du tabac grâce à un système d’évaporation de l’eau ». Et d’en préciser la composition : « la cheminée, le bol supérieur, le réservoir, la pipe immergée et le tuyau ». Rien ne dit si le problème réside dans le bol ou le tuyau, mais la production, l’importation, la commercialisation, la détention et l’usage de la chicha, ou narguilé, sont désormais interdits dans tout le pays. Les peines encourues varient d’un à dix jours d’emprisonnement et de 300 à 18 000 F CFA (0,5 à 27,5 euros) d’amende.
Prohibition
Les États issus de putschs – de deux putschs en l’espèce – étant toujours imprévisibles et souvent intrusifs, le fond du Djoliba risque fort de recevoir dans les prochaines semaines une belle quantité de chichas, comme les fleuves des villes à forte criminalité se remplissent d’armes à faire disparaître.
La pratique collective de la chicha n’est pas un ersatz acceptable du traditionnel « grin » autour du thé
Le gouvernement en fait-il trop ? Il précise, dans son communiqué, que cette prohibition est décrétée en rapport avec « le contrôle des drogues et précurseurs ». Une manière de rappeler que la pratique collective de la chicha, en vogue parmi les adolescents, n’est pas un ersatz acceptable du traditionnel « grin » autour du thé. Même si les parfums du tabac donnent au narguilé un air inoffensif, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle qu’une seule séance de chicha a le même dosage en goudron et en nicotine que la consommation d’un paquet de cigarettes. Et les mêmes effets de dépendance.
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