Allemagne : Angela Merkel est-elle imbattable ?
Candidate à un troisième mandat en septembre, elle a de fortes chances de l’emporter. Ce qui ferait d’elle le premier chef d’État européen réélu depuis le début de la crise économique.
Au pouvoir depuis huit ans, la CDU-CSU, autrement dit les chrétiens-démocrates et leur puissante branche bavaroise, dispose d’un atout maître : Angela Merkel. La chancelière jouit d’une inoxydable popularité : 74 % des Allemands sont satisfaits de son action. Même le récent scandale de l’achat par l’armée de drones défaillants n’est pas parvenu à l’ébranler.
Le programme de la CDU sera rendu public à la fin de ce mois. Il devrait faire la part belle au social (plafonnement des loyers, salaire minimum, allocations familiales, etc.) pour tenter de rallier une partie des électeurs des Grünen (Verts) et des sociaux-démocrates du SPD. Ses alliés libéraux du FDP seront l’une des clés du scrutin. En raison des nombreux compromis consentis pour gouverner au côté de la CDU, ils sont depuis 2009 en pleine dégringolade. Dépasseront-ils la barre des 5 % de suffrages exprimés, condition nécessaire pour siéger au Parlement ? Ce n’est pas assuré.
À l’inverse, le SPD est pénalisé par son candidat. Car c’est un fait, Peer Steinbrück peine à convaincre. Cinquante-cinq pour cent des Allemands sont convaincus que le score du parti serait meilleur avec une autre tête de liste. Un terrible camouflet. Pour contrer les ambitions de la droite, le programme social-démocrate est lui aussi très à gauche : salaire minimum à 8,50 euros de l’heure, retraite minimale à 850 euros par mois, relèvement du plafond d’imposition de 44 % à 49 %, interdiction de spéculer sur les matières premières…
Concurrence
S’ils continuent sur leur lancée, les Verts devraient réaliser un meilleur score qu’en 2009. Mais leur candidature bicéphale composée d’un candidat de l’aile gauche (Jürgen Trittin) et d’une adepte de la realpolitik (Katrin Göring-Eckardt) risque de compliquer d’éventuels compromis. Et leur politique fiscale intransigeante à l’égard des plus hauts revenus leur a récemment fait perdre plusieurs points dans les sondages.
À gauche, Die Linke est favorable à un abaissement de l’âge de la retraite et à la fixation du salaire minimum à 10 euros de l’heure. Il y a quelques semaines, ce parti essentiellement composé d’anciens communistes est-allemands débattait de l’éventualité, aujourd’hui abandonnée, d’une sortie de l’euro.
Restent les petites formations, à commencer par le Parti pirate, qui avait créé la surprise lors de plusieurs scrutins en 2011 et 2012. Mais son incapacité à transformer ses idées en actes l’a fait repasser sous la barre des 5 %. Nouvel arrivant sur la scène politique, Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne) a fait de l’abandon de la monnaie unique européenne son cheval de bataille. Enfin, ce ne sera sans doute pas cette année que l’extrême droite (NPD) fera son entrée au Parlement.
FDP
Si le FDP n’entre pas au Parlement, la CDU n’aura que deux possibilités.
– S’allier avec le SPD dans le cadre d’une grande coalition, comme en 2005-2009. Une majorité (56 %) des Allemands y seraient favorables.
– S’associer avec les Verts pour former une coalition « noir-vert ». La CDU envisage sérieusement cette hypothèse, que les politologues jugent plausible. Mais les Verts la rejettent en bloc. Et seuls 31 % des sondés l’approuvent.
Si, en revanche, les libéraux obtiennent plus de 5 %, la coalition actuelle CDU-CSU-FDP (« noir-jaune ») pourrait être reconduite et, à en croire les estimations, obtenir 46 % des sièges. Mais depuis quatre ans qu’ils exercent ensemble le pouvoir, les deux partis ont souvent été en désaccord, notamment sur les questions sociales.
Coalition "jamaïcaine"
Enfin, l’hypothèse d’une coalition « jamaïcaine » (noir, jaune, vert : les couleurs de ce pays des Caraïbes) est théoriquement possible : elle s’est déjà concrétisée dans plusieurs Länder. Dans tous ces cas de figure, Merkel serait réélue sans coup férir à la chancellerie.
De son côté, le SPD, qui devrait arriver en deuxième position, souhaite s’allier avec les Verts : les deux partis ont nombre d’idées et d’aspirations communes. Steinbrück serait alors nommé chancelier. À condition bien sûr que l’alliance SPD-Verts obtienne une majorité des sièges. Or, selon les sondages, elle en est actuellement à 36 %… La constitution avec Die Linke d’une coalition rouge-vert-rouge n’est pas totalement exclue. Les ex-communistes y sont favorables, les sociaux-démocrates et les Verts beaucoup moins en raison d’évidentes incompatibilités programmatiques. Enfin, dernière solution, qui n’a jamais été jusqu’ici expérimentée qu’au niveau communal : la formation d’une coalition avec le SPD, les libéraux et les Verts.
Mais l’heure n’est encore qu’aux hypothèses. La campagne électorale entrera dans le vif du sujet dans le courant de l’été. Et puis reste une inconnue majeure : à ce jour, 30 % des Allemands n’ont pas encore décidé pour qui ils voteront le 22 septembre.
Un scrutin "proportionnel personnalisé"
Le 22 septembre, 62 millions d’électeurs renouvelleront les 598 députés au Bundestag (Parlement). Le scrutin « proportionnel personnalisé » étant ce qu’il est, chaque électeur dispose de deux voix, qu’il exprime en cochant des cases sur un bulletin. D’une part, il élit directement le candidat d’un parti dans sa circonscription. De l’autre, il se prononce en faveur de l’un des partis qui se présentent dans son Land. Ce système lui permet à la fois de soutenir un candidat (première voix) et un programme (seconde voix). Ensuite, au terme d’un calcul complexe, le nombre de voix obtenues détermine la répartition des sièges au Bundestag. Le chancelier est élu par le Parlement, non directement par les électeurs. Ce système rend très difficile la formation d’un gouvernement monocolore. L’Allemagne est donc le plus souvent dirigée par une coalition. G.D.
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