Maroc : « Aziz Akhannouch a besoin d’une nouvelle stratégie de communication »

Discret, voire mutique, le chef du gouvernement peine à parler aux Marocains. Le politologue Mustapha El Mnasfi, enseignant-chercheur à l’université Moulay Ismaïl, décrypte cette difficulté.

Aziz Akhannouch à Bruxelles, le 21 juin 2022. © STEPHANIE LECOCQ/EPA/EFE/MAXPPP

Soufiane Khabbachi. © Vincent Fournier pour JA

Publié le 19 août 2022 Lecture : 2 minutes.

Confronté à une vague de contestation, Aziz Akhannouch continue de susciter la défiance auprès d’une partie de l’opinion publique marocaine. En cause : les accusations récurrentes de conflit d’intérêts, alimentées par sa double casquette de chef du gouvernement et d’actionnaire d’Akwa, dont la filiale, Afriquia, est l’une des principales sociétés marocaines de distribution de carburant.

Alors que la baisse continue des prix du carburant, après une forte inflation, promet un peu de répit à Aziz Akhannouch, le maire d’Agadir continue de se montrer extrêmement discret dans les médias. Trop, estiment un certain nombre d’observateurs, selon qui le chef du gouvernement gagnerait à s’exprimer davantage et à expliquer son action. Le point avec le politologue Mustapha El Mnasfi, enseignant-chercheur à l’université Moulay Ismaïl de Meknès.

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Jeune Afrique : Aziz Akhannouch est-il parvenu à se défaire de son image d’homme d’affaires et à incarner sa fonction de chef du gouvernement ?

Mustapha El Mnasfi : L’étiquette d’ »homme d’affaires » colle au chef du gouvernement, et ce, malgré son « désengagement » de la gestion du holding familial Akwa Group. Cela peut s’expliquer par le fait qu’Aziz Akhannouch était connu des Marocains en tant qu’homme d’affaires avant de l’être en tant qu’homme politique. Par le passé, d’autres personnalités issues du monde des affaires, comme Driss Jettou, avaient pourtant exercé les mêmes fonctions.

Mais à l’époque, la rue était le seul lieu de mobilisation et de contestation. Aujourd’hui, nous sommes passés de la mobilisation dans les espaces traditionnels à la mobilisation numérique. Celle-ci permet de mobiliser un nombre très élevé de citoyens de profils variés, résidant dans des villes distinctes, et dépourvus de leadership.

L’absence presque totale de communication du chef du gouvernement relève-t-elle d’une stratégie délibérée ? Est-elle pertinente ? 

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Il faut d’abord rappeler la polémique de décembre 2019, déclenchée après les propos d’Aziz Akhannouch lors d’un meeting de son parti à Milan, lorsqu’il a déclaré qu’il fallait « rééduquer les Marocains ». Depuis cet épisode, Aziz Akhannouch fait preuve de davantage de circonspection.

Le gouvernement actuel a adopté une stratégie de communication différente du précédent, fondée sur l’adage « trop de communication tue la communication ». Ce n’est pas pour rien que certains ministres ont déclaré appartenir à « un gouvernement d’action et pas de paroles ». C’est une forme de réponse à ceux qui critiquent sa stratégie de communication, en sachant qu’un porte-parole du gouvernement organise une conférence de presse après chaque conseil gouvernemental.

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Mais c’est insuffisant, il est nécessaire de mettre en place une nouvelle stratégie de communication qui prenne en compte le contexte actuel, car les citoyens ont besoin d’être rassurés.

N’y-a-t-il pas un problème originel de compréhension mutuelle entre Aziz Akhannouch et l’opinion publique marocaine ? 

Ce gouvernement est arrivé dans un contexte difficile. Par ailleurs, Aziz Akhannouch ne gouverne pas seul, d’autres acteurs et institutions influent sur ses décisions. Cela ne veut pas dire que le gouvernement n’est pas responsable, mais plutôt qu’il serait opportun de prendre des mesures significatives en faveur des citoyens afin qu’ils subissent moins l’impact des différentes crises. Ceci contribuerait à instaurer plus de confiance entre l’exécutif et les citoyens, en particulier en cette période de rentrée politique.

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