Ticad : la Tunisie, plateforme des entreprises japonaises en Afrique
Après l’Afrique du Sud et le Kenya, le Japon peut faire de la Tunisie le troisième pilier de ses investissements sur le continent. La conférence sur le développement de l’Afrique, qui se tient ces 27 et 28 août à Tunis, est l’occasion de renforcer ce partenariat.
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Hédi Ben Abbes
Président de la Chambre de commerce et d’industrie tuniso-japonaise (CCITJ), ancien secrétaire d’État aux Affaires étrangères.
Publié le 19 août 2022 Lecture : 3 minutes.
Japon-Afrique : rendez-vous manqué ?
La huitième conférence de Tokyo sur le développement en Afrique (Ticad 8) se déroule du 27 au 28 août, à Tunis. L’occasion pour l’archipel et le continent de tenter de resserrer des liens distendus par la pandémie.
La huitième édition de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), les 27 et 28 août à Tunis, intervient à un moment critique pour notre continent. L’approfondissement des relations avec le Japon, troisième puissance mondiale, peut aider l’Afrique à rééquilibrer ses partenariats afin d’être moins dépendante de l’Europe lorsque celle-ci est confrontée à une dégradation conjoncturelle – en l’occurrence, le choc énergétique et la résurgence de l’inflation.
En lançant la Ticad, en 1993, le Japon a été le deuxième pays (après la France) à institutionnaliser ses relations avec l’Afrique. Il a, dès le départ, mis l’accent sur un concept précurseur, « la sécurité humaine », qui constitue la ligne directrice de son approche en matière de coopération globale et qui en fait la spécificité. Il demeure le troisième donateur des pays de l’OCDE, avec une aide publique au développement (APD) estimée, en 2021, à 17,6 milliards de dollars.
Secteur privé
Au fil des éditions de la Ticad, le partenariat Japon-Afrique, d’abord axé sur l’aide au développement et le multilatéralisme, s’est enrichi et densifié. En 2016, au cours de la Ticad VI à Nairobi, l’engagement japonais vis-à-vis du continent a été renouvelé. Son caractère économique a été renforcé et le secteur privé japonais y a été associé plus étroitement. Ce secteur sera d’ailleurs fortement représenté à Tunis. Cette « New Ticad », dont le Premier ministre japonais de l’époque, le regretté Shinzo Abe, avait esquissé les contours, repose sur un double postulat, toujours actuel. L’aide, certes nécessaire, ne peut pas tout. L’Afrique a avant tout besoin d’investissements dans des projets intégrateurs viables. De son côté, le Japon doit mieux s’intégrer dans le commerce international et ne saurait négliger les occasions que lui offrent les marchés africains. La Ticad VIII, de Tunis, doit symboliser l’aboutissement de ce changement de paradigme.
Les relations entre la Tunisie et le Japon sont anciennes et multiformes. Elles couvrent pratiquement tous les domaines, de la coopération universitaire aux infrastructures, en passant par l’industrie. La Tunisie a reçu l’appui financier du gouvernement japonais pour la réalisation de 42 projets de développement, d’un montant cumulé supérieur à 3 milliards de dollars. Parmi les plus emblématiques, la centrale à cycle combiné de Radès, le pont à haubans de La Goulette, la station de dessalement d’eau de mer à Sfax ou encore le tronçon autoroutier reliant Gabès à Médenine…
Le secteur privé japonais est également fortement implanté en Tunisie, avec une vingtaine d’entreprises. Elles emploient plus de 20 000 personnes, notamment dans les secteurs, stratégiques, des composants automobiles et des industries électro-mécaniques. Signe de la vigueur de ce partenariat économique, le Japon est devenu le troisième investisseur étranger en Tunisie au premier semestre 2021.
Nouveaux horizons
La Ticad VIII est susceptible d’offrir de nouveaux horizons à cette relation exemplaire. Après l’Afrique du Sud et le Kenya, le Japon peut faire de la Tunisie le troisième pilier de ses investissements sur le continent. Les entreprises, bureaux d’études et start-up tunisiennes sont solidement implantées en Afrique du Nord (Libye, Mauritanie), en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale francophones. Elles disposent d’une expertise reconnue dans différents secteurs (ingénierie, formation, éducation, santé, nouvelles technologies et économie verte). Grâce à ses avantages comparatifs et à sa position géographique, la Tunisie peut devenir une porte d’entrée et une plateforme de soutien pour les entreprises japonaises désireuses de se déployer en Afrique en vue d’y trouver de nouveaux relais de croissance.
Forte de cette vision, qu’elle partage avec ses partenaires du Japan Business Council for Africa et du Japan External Trade Organization (JETRO), la Chambre de commerce et d’industrie tuniso-japonaise (CCITJ) a rassemblé pas moins de soixante-dix projets dans un Livre blanc, qui sera soumis aux investisseurs japonais et africains, le 26 août, à l’occasion de l’inauguration de la Ticad VIII. Émanant tous du secteur privé, ces projets s’inscrivent dans le cadre prometteur du partenariat triangulaire Tunisie-Japon-Afrique. Ils représentent une enveloppe totale de 8 milliards de dollars d’investissements – dont les deux tiers portent sur des projets d’énergie solaire et d’hydrogène vert – et permettront la création de plus de 50 000 emplois directs rien qu’en Tunisie.
Le secteur privé a un rôle clé à jouer dans le redressement de l’Afrique. Parce qu’elle renforcera à la fois les liens entre les secteurs privés japonais et africains et l’intégration des marchés, la Ticad VIII arrive donc à point nommé. Elle peut contribuer de manière décisive à la construction d’une économie africaine plus forte, plus diversifiée et plus résiliente.
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Japon-Afrique : rendez-vous manqué ?
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