Algérie : quel rôle joueront les Services dans la prochaine présidentielle ?

Politologue et ex-colonel du Département du renseignement et de la sécurité (DRS)

Publié le 28 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Ministère de l’Armement et des Liaisons générales, ou Malg : telle est l’appellation d’origine des services de renseignements algériens durant la guerre de libération. Leur ossature était puisée au sein de l’élite algérienne, et la discipline rigide qui caractérisait leur fonctionnement n’a jamais étouffé l’intelligence créatrice. Le colonel Houari Boumédiène, chef d’état-major de l’ALN [Armée de libération nationale], se méfiait de cette entité qu’il appelait – selon la formule savoureuse rapportée par Mohamed Lemkami [ancien officier du Malg qui a publié ses mémoires sous le titre Les Hommes de l’ombre] – « le Malg, ce mal général ».

Au lendemain de l’indépendance, Houari Boumédiène, devenu ministre de la Défense, accompagne avec prudence la mise en place de la Sécurité militaire [SM]. Il veille à la dissocier du commandement de l’armée : deux hiérarchies parallèles sur lesquelles il exerce un contrôle direct et distinct, cultivant volontiers, à l’occasion, l’antagonisme entre les deux institutions. Avec l’arrivée, en février 1979, du président Chadli Bendjedid, l’étau se desserre. La SM voit son influence croître, sans pour autant mener le jeu. C’est le général Larbi Belkheir, directeur de cabinet du président, qui exerce sa tutelle sur les Services en orientant leurs activités selon les impératifs de son propre agenda. 

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À la suite de l’interruption du processus électoral, en 1992, l’édifice est bouleversé. L’ampleur de la menace terroriste conduit l’état-major de l’ANP (Armée nationale populaire, héritière de l’ALN) et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS, nouvelle dénomination de la SM) à serrer les rangs. Au sein de l’état-major, les chefs militaires ont toujours nourri un certain complexe face au champ politique, dont ils n’étaient pas familiers. C’est le DRS, dont une composante a toujours été connectée au dit champ politique, qui sert alors d’interface, et ses recommandations sont généralement suivies d’effets.

Certes, le terrorisme, menace physique, a été, pour l’essentiel, éradiqué. Il en va autrement des autres menaces qui pèsent sur le pays, en termes de cohésion sociale et d’intégrité territoriale. Ni l’état-major ni le DRS n’ont permis à une véritable alternative – sous forme de projet national – de voir le jour, qui apporterait une solution durable à la crise avec la mise en oeuvre d’un vrai processus de transition démocratique, passage obligé pour que l’Algérie renoue avec la stabilité et le progrès. Dès lors, quel sera le rôle du DRS lors de la prochaine présidentielle ? 

Abdelaziz Bouteflika a pratiqué une politique d’étouffement des libertés qui a fini par liquéfier le champ politique. Le DRS, que le chef de l’État n’a jamais expressément sommé de se retirer de la vie politique, est, forcément, sur le devant de la scène. Outre les cadres de l’administration publique, il contrôle parfaitement la société politique virtuelle : membres du comité central du FLN (Front de libération nationale) ou du conseil national du RND (Rassemblement national démocratique). Mais son rapport aux élites agissantes est insignifiant, et sa maîtrise de la société réelle, discutable. À l’instar de Houari Boumédiène, Abdelaziz Bouteflika a en effet découplé état-major de l’ANP et DRS, de manière à réduire leur impact. Exit la symbiose des années 1990. Pourtant, ce fossé entre les deux institutions semble pouvoir être comblé dès lors que celles-ci sont interpellées par une situation inédite : la nécessité d’accompagner la succession de l’actuel chef de l’État en ménageant leurs propres positions, sans jamais sortir du champ constitutionnel en vigueur.

Le DRS a tissé avec ses homologues occidentaux un partenariat privilégié, pour ne pas dire stratégique. C’est le cas, notamment, avec la communauté du renseignement des États-Unis. Vis-à-vis de la succession d’Abdelaziz Bouteflika, il est improbable que le partenaire américain fasse fi de la place et du rôle du DRS dans un système politique appelé à perdurer encore un temps, même s’il est finissant.

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