Algérie : dans les arcanes du pouvoir
Un président absent depuis plus de deux mois ? Pas de quoi empêcher l’État de fonctionner. Mais alors que la succession de Bouteflika se profile et que les revendications de la population algérienne se font plus pressantes, le régime va devoir s’adapter pour perdurer.
Même ses dirigeants actuels le reconnaissent : l’Algérie ne peut plus s’offrir le luxe de demeurer ce géant endormi du Maghreb dont la seule perspective consiste à engranger les milliards tirés de la manne pétrolière et gazière. Le plus vaste pays d’Afrique, avec ses 38 millions d’habitants dirigés par une élite vieillissante qui rechigne à passer la main, ne sait pas de quoi son avenir sera fait. Une économie sous perfusion permanente – fût-elle administrée par l’État lui-même et non plus par les institutions internationales comme dans les années 1990 -, une industrie fantomatique, un système bancaire archaïque, une administration pachydermique, une initiative privée bridée au-delà du raisonnable, une jeunesse déboussolée car sans perspectives, une société parcourue par de multiples fractures (entre les générations, les régions, les genres)… La liste des fers aux pieds qui empêchent l’Algérie de jouer le rôle qui devrait être le sien dans une région tourmentée depuis le Printemps arabe est longue, beaucoup trop longue pour espérer s’en défaire en quelques années.
Palliatifs
Celle de ses atouts, dont le moindre n’est pas sa stabilité, l’est tout autant : un important potentiel énergétique, évidemment, mais aussi humain, touristique, halieutique et commercial, une capacité de résilience hors du commun, celle d’un pays marqué par les nombreuses épreuves qui ont façonné son histoire. Pour que l’Algérie accomplisse enfin son destin, il faut qu’elle s’en donne les moyens. L’envie de changement, d’ouverture sur le monde et de révolution des mentalités est portée par une jeunesse qui attend son heure depuis des lustres. Cette même jeunesse qui ne souffre plus de voir ses aînés s’évertuer à piloter le supposé bolide les yeux rivés sur le rétroviseur plutôt que sur la ligne d’arrivée. Il n’est plus possible aujourd’hui, et encore moins demain, de ne pas répondre à ces attentes.
Le système, comme disent les Algériens pour désigner un pouvoir dont ils peinent toujours à définir les contours et dont nous vous présentons ici les arcanes et les ressorts, a toujours su s’adapter à un environnement mouvant et à l’expression des besoins d’une population guère réputée pour sa patience. Mais le temps des antidouleur, des pansements et des palliatifs est révolu. L’Algérie a besoin d’un traitement de fond. La question n’est plus de ramener la paix, comme ce fut le cas dans les années 2000, de réduire la dette, de construire des logements, des infrastructures ou de subventionner ce qui ne fonctionne pas tout seul. La seule qui vaille, désormais, c’est de proposer aux Algériens un projet neuf, une vision commune de leur avenir, qui corresponde à l’intérêt général et inaugure une ère nouvelle, plus d’un demi-siècle après l’indépendance. Ce sera tout l’enjeu – en tout cas espérons-le – de la prochaine élection présidentielle. Un vrai test, crucial mais délicat, pour ce système qui, s’il veut perdurer, devra évoluer…
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Par Marwane Ben Yahmed
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