Afrique du Sud : Mac Maharaj, au chevet de Madiba
Hier codétenu de Mandela à Robben Island, aujourd’hui porte-parole de Jacob Zuma, Mac Maharaj est chargé d’une mission délicate : tenir le monde informé de l’état de santé de l’ancien chef de l’État sud-africain.
Le 8 juin, c’est lui qui a mis le monde entier en alerte en annonçant l’hospitalisation de Nelson Mandela, dans un « état grave ». Et dans les jours qui ont suivi, les communiqués de Mac Maharaj, le porte-parole de la présidence sud-africaine, ont fourni quelques-uns des seuls éléments tangibles sur la santé de l’icône de la lutte contre l’apartheid. Impossible, pourtant, de déceler dans ses textes l’émotion qui devait être la sienne. « Ce travail fait partie de mon devoir, assure-t-il d’une voix monocorde. J’essaie de mettre mes sentiments de côté. »
Car l’ancien président n’est pas n’importe qui pour Mac Maharaj – et vice versa. « Neef » (« neveu » en afrikaans), comme Mandela le surnommait, a passé douze années en prison avec lui à Robben Island. C’est notamment lui qui a eu la lourde tâche, à sa libération en 1976, d’exfiltrer l’autobiographie de Madiba (incarcéré jusqu’en 1990). En formant le premier gouvernement de l’Afrique du Sud postapartheid, en 1994, ce dernier s’est d’ailleurs exclamé : « Il a transporté mon autobiographie depuis Robben Island. Je vais le faire ministre des Transports ! »
Une confiance justifiée par un engagement de longue date. Au début des années 1960, ce militant du Parti communiste, né en Afrique du Sud dans une famille indienne, a été atrocement torturé par le régime. À la fin des années 1980, il a dirigé l’ultrasecrète opération Vula, qui visait notamment à faire entrer armes et combattants dans le pays. C’est à cette période qu’il a forgé des liens avec l’actuel président, Jacob Zuma, alors chef des services de renseignements du Congrès national africain (ANC). C’est de là que daterait aussi son inimitié avec Thabo Mbeki, qui n’était pas dans la confidence.
Ancien héros
À l’arrivée de ce dernier au pouvoir, en 1999, l’étoile de Maharaj commence à pâlir : il n’est pas reconduit au gouvernement et décide de se lancer dans les affaires. Puis en 2003, il est soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin lorsqu’il était ministre des Transports, et auditionné. Un choc : à l’époque, les affaires de corruption touchant l’élite de l’ANC étaient encore rares, et même s’il ne fut finalement pas inculpé, sa réputation d’ancien héros s’en est trouvée entachée. Aujourd’hui âgé de 78 ans, Maharaj n’a fait son retour en politique qu’en 2011, lorsque Zuma l’a nommé porte-parole. « C’était le moment où, après deux ans au pouvoir, Zuma a décidé de s’entourer de proches, analyse Nic Dawes, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Mail & Guardian. Il est plus un conseiller qu’un professionnel de la communication. »
« Avec Zuma, nous partageons le même esprit », a affirmé un jour Maharaj, expliquant qu’il ne consultait pas toujours le chef de l’État avant de s’exprimer. De fait, il est au centre des réseaux présidentiels, y compris les plus secrets. La presse sud-africaine affirme qu’il a reçu de l’argent de Schabir Shaik, l’ex-financier de Zuma, condamné à quinze ans de prison pour corruption en 2005. Combatif, Maharaj a empêché en 2011 le Mail & Guardian de publier le contenu d’une de ses auditions par la justice, puis porté plainte contre l’hebdomadaire. Mais « il sait faire la part des choses », admet Nic Dawes : « Récemment, j’ai pu m’entretenir longuement avec lui sur la santé de Mandela. Nous n’avons pas parlé de ce qui nous oppose. »
Dans son appartement privé de Durban, où il travaille souvent, il garde son téléphone allumé la nuit, les week-ends et les jours fériés. « Je dois pouvoir être joint en permanence par les médias », explique-t-il. Et par les médecins de Mandela.
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Pierre Boisselet, envoyé spécial à Johannesburg
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