Obama en Afrique : retour en grâce ?
Le président américain entame aujourd’hui une tournée en Afrique, lors de laquelle il visitera dans l’ordre le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie. En ne foulant qu’une seule fois le sol africain lors de son premier mandat, il avait beaucoup déçu le continent. Sa nouvelle tournée va-t-elle ouvrir une nouvelle ère ?
Il était temps. Quatre ans et demi à la Maison Blanche sans aller en Afrique subsaharienne, à l’exception d’une escale de vingt et une heures au Ghana, en juillet 2009… Il était temps que le président américain foule de nouveau le sol africain. Le jour de sa réélection, Lindiwe Zulu, une conseillère du chef de l’État sud-africain Jacob Zuma, avait lancé : « S’il ne vient pas pendant son second mandat, on ne le lui pardonnera pas. » Même l’un de ses collaborateurs à la Maison Blanche, Ben Rhodes, reconnaît ouvertement que l’absence du président américain a « beaucoup déçu » le continent. Barack Obama a donc entendu le message. Du 26 juin au 3 juillet, il se rendra dans trois pays : le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie.
Pourquoi ce choix ? « Parce qu’il voit sa tournée comme un prolongement de sa première visite de 2009, confie l’un de ses proches. À Accra, il a encouragé la démocratie et la bonne gouvernance. Aujourd’hui, il va dans des pays qui appliquent ces principes. »
De fait, depuis sa première élection, Obama choisit avec soin les chefs d’État africains qu’il reçoit à Washington. Témoin cette « rencontre de solidarité démocratique » organisée en mars dernier à la Maison Blanche, avec la Malawite Joyce Banda, le Sierra-Léonais Ernest Bai Koroma, le Sénégalais Macky Sall et le Cap-Verdien José Maria Pereira Neves. Les putschistes et les présidents à vie ne sont pas les bienvenus.
« Le Sénégal est l’un des rares pays d’Afrique de l’Ouest où il n’y a jamais eu de coups d’État, souligne un diplomate américain. Et, malgré toutes nos inquiétudes, le pays est sorti par le haut de la présidentielle de 2012. » Il est vrai que, lors de la dernière année de son régime, Abdoulaye Wade a subi de multiples pressions de la part des Américains, qui voulaient le dissuader de modifier la Constitution et de passer en force. Ses relations avec l’ambassadrice américaine à Dakar étaient devenues exécrables. Aujourd’hui, Macky Sall – l’ancien cadre pétrolier qui possède un appartement à Houston, au Texas – est dans les petits papiers de Washington. Déjà, en août 2008, il avait eu la bonne idée d’aller assister à l’investiture du candidat Obama lors de la convention démocrate…
Quelques vertus
Barack Obama a-t-il aussi choisi le Sénégal pour montrer que les États-Unis n’oublient pas l’Afrique francophone ? « Non, répond l’un de ses proches. Du temps de Sarkozy, il aurait peut-être fait ce calcul, car le président français avait des réactions imprévisibles. Mais avec Hollande les choses sont plus simples. » À Dakar, l’Américain devrait prononcer un premier discours sur les vertus de la démocratie et de la transparence. Et, tout au long de son périple, plaider pour le renouvellement des classes dirigeantes africaines – ce qu’il appelle le « nouveau leadership ». En août 2010, à l’occasion du cinquantenaire des indépendances, il avait reçu 120 jeunes du continent. Aujourd’hui, il souhaite pérenniser ce « Forum des jeunes leaders africains » et le léguer à l’administration qui lui succédera, en 2017.
À chaque étape, Barack Obama s’adressera à la fois au pays et à la sous-région. À Dakar, du 26 au 28 juin, il insistera sur la nécessité de lutter contre le jihadisme au Sahel et la piraterie dans le golfe de Guinée. « Ça tombe bien, glisse un membre du gouvernement sénégalais. En septembre dernier, quand les Français ont sonné le tocsin à l’ONU à propos du Mali, les Américains ont traîné les pieds, notamment à cause de Susan Rice, leur ambassadrice à l’ONU [devenue depuis secrétaire à la sécurité nationale], qui était résolument hostile à une intervention armée au Sahel. Aujourd’hui, nous espérons qu’ils ont tiré la leçon des événements de janvier. » Le président américain s’exprimera-t-il aussi sur la guerre contre Boko Haram, dans le nord du Nigeria ? Pas sûr. « Les Nigérians ne sont pas du tout contents qu’Obama s’arrête en Afrique du Sud et pas chez eux, souffle l’un de ses conseillers. Ils nous l’ont fait savoir. Pas la peine de jeter de l’huile sur le feu. »
À Pretoria et au Cap (du 28 juin au 1er juillet), le numéro un américain ne se contentera pas de saluer la démocratie sud-africaine. Il devrait dénoncer deux pays défaillants dans la sous-région, le Zimbabwe et Madagascar. Et à Dar es-Salaam, en Tanzanie, où il s’arrêtera du 1er au 3 juillet, il s’exprimera sur la lutte contre les Shebab de Somalie et la nécessité de ramener la paix dans les Grands Lacs, une région qu’il suit de près depuis la reprise des hostilités, il y a un an, dans l’est de la RD Congo.
Une fixation sur la Chine ?
En mars dernier, c’est précisément en Afrique du Sud et en Tanzanie – outre le Congo-Brazzaville – que Xi Jinping, le nouveau président chinois, avait fait sa première tournée sur le continent. Les Américains veulent-ils réoccuper le terrain ? « Non, nous ne faisons aucune fixation sur la Chine », poursuit le collaborateur de Barack Obama. Pourtant, depuis 2009 – l’année du discours d’Accra -, la Chine a supplanté les États-Unis comme premier partenaire commercial de l’Afrique. Et depuis cette même date, Hu Jintao et son successeur Xi Jinping ont visité à eux deux plus de trente pays africains… Ce n’est sans doute pas un hasard si l’hôte de la Maison Blanche se déplace enfin en Afrique, accompagné de plusieurs centaines d’hommes d’affaires. Comme le confie son conseiller Ben Rhodes : « Les États-Unis perdraient leur position de leader mondial si le président ne s’engageait pas à fond en Afrique. Et c’est ce qu’il est en train de faire. »
Exit le safari de trois heures que voulait faire la famille Obama dans un parc animalier de Tanzanie. Quand la presse américaine a révélé le coût de l’ensemble du voyage – entre 60 et 100 millions de dollars, avec la mobilisation de plusieurs centaines d’agents de sécurité et le transport de 56 voitures, dont 14 limousines -, la Maison Blanche a préféré renoncer à ce projet. Seule escapade prévue : la visite de Robben Island, la célèbre île prison où fut enfermé Nelson Mandela, au large du Cap. Sans doute Barack Obama se dit-il qu’il serait dommage de gâcher cette tournée par une polémique sur un safari malvenu. Sans doute se dit-il aussi qu’il vaut mieux laisser le souvenir d’une belle phrase du style : « L’Afrique n’est pas un enfant malade à qui il faut toujours venir en aide, mais une chance. »
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