Mauritanie – livres : héraut du désert

La plume fluide et poétique, Beyrouk rend hommage aux griots, gardiens d’une tradition qui tend à disparaître.

Publié le 17 juin 2013 Lecture : 2 minutes.

À mesure que l’on tourne les pages du Griot de l’émir, le dernier roman de l’écrivain mauritanien Mbarek Ould Beyrouk, un monde évanoui reprend vie. Celui d’un temps ancien où le verbe et la musique, alors si forts qu’ils pouvaient peser sur l’Histoire, étaient intimement liés à la vie et à la culture orale ancestrale des tribus sahariennes. L’écriture fluide et poétique, Beyrouk (son nom de plume) redonne toute sa splendeur au griot, gardien des traditions méconnu.

Son « griot de l’émir » erre dans le désert, au XIXe siècle, portant haut la voix et le luth des Oulad Mabrouk, une tribu légendaire désormais dispersée. Mais lorsque son amie, l’envoûtante Khadija, est poussée à la mort par l’émir souverain Ahmed, le griot s’exile à Tombouctou. Là, au coeur de la cité des savoirs, il retrouve la paix et l’amour mais se languit de son désert. Alors, quand le guerrier Mehmed vient frapper à sa porte, l’exhortant à l’aider à chasser l’émir et à redonner aux Oulad Mabrouk leurs lettres de noblesse, il ne résiste pas à son appel.

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Au travers de cette chronique de la vie du peuple maure, Beyrouk n’a pas cherché à faire passer de message particulier mais à faire revivre un monde, des idées. « Le pouvoir des mots et de la musique se perd, regrette-t-il, installé à la table d’un café parisien. J’ai souhaité restituer aux lecteurs mauritaniens une manière de penser certes révolue, mais certainement encore présente dans leurs esprits. Ceux-ci connaissent peu l’histoire de leur pays, car elle est mal écrite. Ils la voient par le prisme de leur tribu. Ils préfèrent n’en garder que les aspects idylliques et oublier les guerres. Mais l’Histoire a aussi ses côtés sombres. » Ce petit homme au regard malicieux est habitué à présenter ses livres en France. La première fois, c’était en 2006 : il défendait son premier roman, Et le ciel a oublié de pleuvoir, satire de la société mauritanienne. Puis en 2009 il offrait de très belles Nouvelles du désert. Son succès mérite d’autant plus d’être souligné que les romanciers mauritaniens francophones – parmi lesquels Moussa Ould Ebnou et El Ghassem Ould Ahmedou – sont rares. Et pourtant, ses compatriotes connaissent davantage le Beyrouk journaliste que l’écrivain.

Soubresauts

Né à Atar (centre-ouest de la Mauritanie), en 1957, dans une tribu qui officie dans le commerce caravanier, Beyrouk porte en lui un riche héritage. L’aire de commerce de sa famille, originaire du sud du Maroc (Guelmim), s’étend jusqu’à Tombouctou. « Et ma grand-mère est d’origine malienne ! sourit-il. Je ressens ainsi tous les soubresauts du Sahara. » Fondateur en 1988 du premier journal indépendant du pays, Mauritanie demain (il met la clé sous la porte en 1994), il est ensuite directeur des informations puis des programmes à l’Agence Nouakchott d’information (ANI). Ancien membre de la Haute Autorité de la presse et de l’audiovisuel, il officie aujourd’hui au service communication de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante.

« Vivre de mes livres est impossible, glisse-t-il. Ils me permettent tout juste de voyager de temps à autre. » Auteur de la chronique à succès « Clin d’oeil », publiée sur son site, beyrouk.com, il se refuse à écrire sur la politique, mais porte un regard critique sur la presse de son pays : « Elle est enfin libre, mais les journalistes manquent encore de formation et de déontologie. » Pour le moment, Beyrouk est tout à son prochain roman, qu’il écrira en juillet. Sur une plage de Nouakchott ou chez lui, à Atar. Au plus près du désert.

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