Côte d’Ivoire : les cerveaux sont de retour

Ils ont fait carrière en Europe ou en Amérique du Nord, et les voilà à la tête d’entreprises publiques à Abidjan. Rencontre avec ces cadres venus participer à la reconstruction de la Côte d’Ivoire.

Alassane Ouattara rencontre la diaspora ivoirienne à chacun de ses déplacements. © Glez

Alassane Ouattara rencontre la diaspora ivoirienne à chacun de ses déplacements. © Glez

Publié le 27 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Pas facile de rentrer au pays quand on a un job en or à l’étranger. C’est pourtant le choix de plusieurs cadres ivoiriens portés récemment à la tête d’entreprises publiques. Leurs points communs ? Ils veulent participer à la reconstruction du pays après avoir bénéficié de bourses de l’État pour étudier en France, aux États-Unis ou au Canada. Ils y ont poursuivi de brillantes carrières dans des groupes privés. Et ils sont passés par la même procédure de sélection du cabinet Deloitte qui, mandaté par les autorités, a lancé des appels à candidature entre juillet et décembre 2011.

« J’étais directeur du développement à Canal+ Afrique, indique Ahmadou Bakayoko, nommé fin mai directeur général de la Radio Télévision ivoirienne [RTI]. On m’a demandé de fournir un dossier complet pour le lendemain à la première heure. J’ai travaillé toute la nuit pour mettre à jour mon CV et présenter un projet de modernisation de l’institution. » Une fois sa candidature retenue, les discussions salariales n’ont pas été faciles. « C’était un pari sur l’avenir, explique-t-il. Je ne souhaitais pas trop perdre financièrement. » Ce polytechnicien de 36 ans, qui a aussi participé à la restructuration de la Société nationale des chemins de fer (SNCF) en France, axe son travail sur la formation et la refonte de la grille de programmes, et introduit progressivement de nouvelles méthodes de management. Le temps presse. La libéralisation de l’audiovisuel est programmée pour 2015.

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Esmel Emmanuel Essis, 45 ans, directeur général du Centre de promotion des investissements de Côte d’Ivoire (Cepici), était quant à lui directeur associé du cabinet Amsey’s International Consulting. Après plusieurs années passées comme directeur de Coca-Cola pour plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, il faisait du conseil en entreprise. Basé à Paris, il effectuait de nombreux voyages en Afrique quand un ami l’a prévenu de l’opportunité de revenir en Côte d’Ivoire. Il a recruté une équipe de jeunes cadres dont la mission est d’attirer les investisseurs, d’accompagner les entreprises étrangères et de participer à la réflexion sur l’amélioration de l’environnement des affaires.

Ayant fait toute sa carrière au Canada, Philippe Pango a le profil du manageur à l’américaine. Titulaire d’un doctorat en télécoms, rompu à la recherche de fonds et de partenaires, il entend faire du Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib), zone franche basée à Grand-Bassam, un nouveau hub technologique. Édouard Fonh-Gbei a lui aussi fait ses preuves en Amérique du Nord. Secrétaire général du Comité national de télédétection et d’information géographique (CNTIG) depuis novembre 2011, il sensibilise les entreprises et les administrations aux nouvelles applications cartographiques et systèmes liés.

Dans leurs premiers mois d’exercice, tous ces manageurs ont été confrontés à des problèmes comme le manque de formation du personnel, le poids de la bureaucratie, la politisation des esprits… Progressivement, ils tentent d’insuffler un nouvel esprit, davantage de réactivité et une culture du résultat. « Le pays regorge d’opportunités, estime Nongolougo Soro, directeur général de la Société nationale de développement informatique (SNDI) après avoir fait toute sa carrière chez Motorola aux États-Unis. Mais il faut savoir que les habitudes de travail et la culture ne sont pas les mêmes qu’en Amérique du Nord. » 

Bouche à oreille

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On retrouve aussi de nombreux cadres de la diaspora dans les cabinets ministériels, à la présidence et à la direction de grands départements dans l’Administration. C’est le cas d’Abdourahmane Cissé, ancien trader de Goldman Sachs, actuel directeur de cabinet de Kaba Nialé, ministre chargée de l’Économie et des Finances auprès du Premier ministre. Diplômé de l’École polytechnique (France), il a d’abord travaillé sous la supervision d’Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la présidence.

« Le chef de l’État souhaite aller vite, confie Masséré Touré, sa conseillère en communication. On recrute des compétences locales et les profils qui nous manquent à l’étranger. » À chacun de ses déplacements, Alassane Dramane Ouattara rencontre la diaspora ivoirienne, estimée à plus de 2 millions de personnes. Un recensement est en cours. En attendant, les autorités utilisent le bouche à oreille, les cabinets de recrutement et les cadres nationaux pour dénicher des talents dans les associations d’anciens élèves (HEC, Polytechnique, etc.). Elles ne désespèrent pas de faire revenir de plus gros poissons comme Tidjane Thiam, patron de l’assureur britannique Prudential.

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Par Pascal Airault

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