Côte d’Ivoire : pour les veuves, la double peine
Des associations se battent pour la défense des droits des femmes ivoiriennes après le décès de leur mari. Pas facile quand on est peu éduquée et que la belle-famille s’en mêle.
La Journée internationale des veuves, le 23 juin ? À Abidjan, en Côte d’Ivoire, même les femmes ignorent son existence. « Pour tout vous dire, c’est notre association qui a attiré l’attention des autorités sur cette date », s’amuse Namizata Sangaré, présidente de l’Organisation des femmes actives de Côte d’Ivoire (Ofaci), qui recense tous les textes nationaux et internationaux votés en faveur des femmes.
La Côte d’Ivoire fait pourtant partie des 56 États qui ont coparrainé la résolution instaurant cette journée et qui l’ont fait adopter à l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2010. Une résolution portée par le Gabon, dont la première dame, Sylvia Bongo Ondimba, est à la tête d’une fondation qui fait du statut des femmes et des orphelins son cheval de bataille.
Estimées à 245 millions dans le monde, 115 millions de veuves vivent dans une extrême pauvreté. Et si la résolution gabonaise a fait l’unanimité en Afrique, c’est parce que la situation des conjointes survivantes est aussi chaotique dans le nord que dans le sud du continent. « Pour mieux les spolier, on les accuse de tous les maux, témoigne Marie-Berthe Coulibaly », qui milite au sein de l’Association des veuves et orphelins de Côte d’Ivoire. « Votre belle-famille vous traite de profiteuse, de sorcière, de femme adultère ; elle vous injurie, vous humilie pour mieux vous jeter dehors, témoigne cette femme qui a dû retourner chez ses parents avec armes et bagages après la mort de son mari, en 2005. Avant même qu’il soit enterré, la maison avait été vidée, des vêtements aux ustensiles de cuisine. Sa famille m’a promis de prendre soin des enfants, mais jusqu’à aujourd’hui, j’attends. »
Tromperie
Cette situation aurait tout aussi bien pu se produire à Ouagadougou ou à Douala, et le mariage légal ne garantit pas aux veuves d’hériter des biens de leur mari. « La loi camerounaise protège les veuves, oui. Mais tout se complique si elles sont illettrées, fait valoir Georges Wamba, avocat au barreau de Yaoundé. Elles peuvent être victimes de la tromperie de leur belle-famille, qui leur dit qu’elle s’occupera de tout. Résultat des courses : la succession est gérée selon le droit local et non le droit civil. Et les traditions ne jouent pas en faveur des femmes. » Bien souvent, ce sont les hommes qui font les partages et qui s’arrogent les biens du défunt – et l’épouse éplorée fait parfois partie du lot.
Plus les femmes seront éduquées et informées, moins elles seront victimes d’abus.
C’est aussi contre le poids des traditions qu’il faut se battre au Gabon. « Nous essayons de faire de la sensibilisation dans les campagnes, mais ce n’est vraiment pas facile », explique Carmela Ngayis, directrice du centre Mbandja de la fondation Sylvia Bongo Ondimba. Ouvert en juin 2011, ce centre a mis en place une cellule d’assistance psychologique, financière et juridique aux veuves. Dans la foulée, elle a créé un numéro court et gratuit qui leur permet de s’informer sur leurs droits. « On reçoit de plus en plus d’appels des campagnes, preuve que les femmes font passer le message, qu’elles savent qu’on est là et qu’on peut les aider », se réjouit Carmela Ngayis. Sa cellule a reçu plus de 148 000 appels en 2012, contre 3 222 en 2011.
« La clé de tout cela réside dans l’éducation, analyse Namizata Sangaré, qui organise le 23 juin, à Abidjan, une conférence sur le sujet. Plus les femmes seront éduquées et informées, moins elles seront victimes d’abus. »
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Par Malika Groga-Bada
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